Dans une vie, un cœur de mère a un million de façons de se briser.
Il y a des jours qui marquent dans notre vie qui nous changent à jamais, et celui-là en était un. Est-ce que j’étais la femme trompée ? Est-ce que tu étais l’homme qui m’avait trahie ? Nous étions déjà les parents d’un garçon mort. D’une fille que je ne pouvais pas aimer. Nous allions devenir le couple qui se sépare. Le mari qui part. La femme qui ne s’est jamais relevée.
Vous m’avez prévenu de ces premiers jours difficiles. On m’avait parlé des seins durs comme des blocs de ciment. Des tétés rapprochées, à la demande. Du vaporisateur pour se rincer les parties intimes. J’avais lu tous les livres. J’avais fait des recherches.
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J’avais l’impression d’être la seule mère au monde qui ne survivrai pas. La seule mère qui ne se remettrait pas d’avoir eu le périnée recousu de l’anus jusqu’au vagin. La seule mère, incapable de faire face a la douleur causée par des gencives de nouveau-né, cisaillant ses tétons comme des lames de rasoir. La seule mère, qui ne pouvait pas faire semblant de fonctionner avec son cerveau écrasé dans l’étau du manque de sommeil. La seule mère, qui regardait sa fille en pensant, s’il te plaît. Va-t’en.
Violet pleurait uniquement lorsqu’elle était avec moi. Je le vivais comme une trahison. Nous étions censées être liées l’une à l’autre.
Les mères ne sont pas censées avoir des enfants qui souffrent. Nous ne sommes pas censées avoir des enfants qui meurent. Et nous ne sommes pas censées mettre au monde de mauvaises personnes.
De dos, en s’éloignant, elle m’apparut féminine, parfaite, avec ses larges hanches, ses cheveux aux épaules, froissés par le peu de sommeil qu’elle avait grappillé. A mes yeux, elle était une mère, de façon évidente. Est-ce que c’était son apparence, ou sa façon de bouger ? Est-ce que c’était la façon dont elle semblait avoir davantage de responsabilités que moi ? À quel moment est-ce que ça m’arriverait, cette métamorphose ? Comment allais-je être transformée ?
Les filles de mon âge me mettaient mal à l’aise. Ma vie semblait tellement différente de la leur – avec leurs fours à cookies miniatures, leurs chouchous faits maison, leurs chaussettes propres. Et leurs mères. J’ai appris très tôt que ce n’était pas agréable de se sentir différente.
Tu mangeais trois repas par jour. Tu lisais des phrases écrites pour des adultes et tu portais une très jolie cravate. Tu avais une raison de te doucher. Moi j'étais comme un soldat exécutant une série d'actions en boucle. Changer la couche. Préparer le biberon. Chauffer le biberon. Verser les Cheerios. Essuyer ce qui a coulé. Négocier. Supplier. Changer la grenouillère. Sortir les vêtements. Où était la boîte à goûter
On m’avait parlé des seins durs comme des blocs de ciment. Des tétées rapprochées, à la demande. Du vaporisateur pour se rincer les parties intimes. J’avais lu tous les livres. J’avais fait des recherches. Mais personne ne parlait de la sensation de se réveiller sur des draps tachés de sang, après seulement quarante minutes de sommeil, terrifiée à l’idée de ce qui allait suivre. J’avais l’impression d’être la seule mère au monde qui n’y survivrait pas. La seule mère qui ne se remettrait pas d’avoir eu le périnée recousu de l’anus au vagin. La seule mère incapable de faire face à la douleur causée par des gencives de nouveau-né cisaillant ses tétons comme des lames de rasoir. La seule mère qui ne pouvait pas faire semblant de fonctionner avec son cerveau écrasé dans l’étau du manque de sommeil. La seule mère qui regardait sa fille en pensant, S’il te plaît. Va-t’en.
Violet pleurait uniquement lorsqu’elle était avec moi. Je le vivais comme une trahison.
Nous étions censées être liées l’une
Elle savait que les shrapnels étaient partout autour d'eux, comme une menace souterraine dans leurs foyers, lovée entre eux quand ils dormaient. Et que leurs débris accablants -leur sifflement quand ils approchent, leur poids quand ils frappent -étaient les plus traîtres. Les plus gênants. La vie pouvait exploser à n'importe quel moment.
"Tu sais, il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas changer, concernant la personne qu'on est - on est simplement né comme ça. Mais une partie de nous dépend de ce qu'on voit. Et de la façon dont les autres nous traitent. Des sentiments que nous sommes amenés à avoir."