Pour les fillettes et les jeunes filles de mon époque - peu avant que la terre natale secoue le joug colonial -, tandis que l'homme continue à avoir droit à quatre épouses légitimes, nous disposons de quatre langues pour exprimer notre désir, avant d'ahaner : le français pour l'écriture secrète, l'arabe pour nos soupirs vers Dieu étouffés, le libyco-berbère quand nous imaginons retrouver les plus anciennes de nos idoles mères. La quatrième langue, pour toutes, jeunes ou vieilles, cloîtrées ou à demi émancipées, demeure celle du corps que le regard des voisins, des cousins, prétend rendre sourd et aveugle, puisqu'ils ne peuvent plus tout à fait l'incarcérer ; le corps qui, dans les transes, les danses ou les vociférations, par accès d'espoir ou de désespoir, s'insurge, cherche en analphabète la destination, sur quel rivage, de son message d'amour.