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Citation de Christie71


Salekhard est la seule ville du monde située exactement sur le cercle polaire. Ici, on dîne au restaurant Le Nord, on fait ses courses à L’Ours Polaire et les visiteurs dorment à l’hôtel Arktika, construit par des Canadiens. Le réseau de téléphonie local s’appelle Yermak, du nom du héros des premières conquêtes sibériennes, à la fin du XVIème siècle.
Vladimir Ilitch Oulianov est toujours là, debout, sur la place, en costume, une page de discours à la main, une couronne de fleurs fraîchement déposée au bas de son piédestal. Lénine a toujours des fidèles.
En 1933, Obdorsk devint Salekhard - « village du cap » en langue nenets. Les nomades y tenaient un lieu de culte. Le sang des rennes sacrifiés coulait sur les berges surélevées pour calmer les esprits. Puis, ce fut le sang des zeks, pour apaiser Staline. Aujourd’hui, ruisselle la sueur des ouvriers du gaz de Poutine. L’énergie du sous-sol a remplacé celle des cieux. Plus besoin de prier les esprits, Gazprom offre un avenir meilleur.
Vladimir continue d’insulter les passants. Il cherche le département des Affaires Agricoles. Une blague ? Ici, rien ne pousse. Non, ce département existe vraiment. Nous le trouvons après quatre heures de marche. Vladimir demande un certain Babin, vice-gouverneur de la région, responsable de l’élevage de rennes. Il connaît toutes les routes de migration des nomades par coeur. Babin, un petit homme aux yeux turquoise, nous reçoit dans son bureau. Vladimir a travaillé avec lui il y a une quinzaine d’années.
« Pourriez-vous me conseiller un bon moyen de voyager dans la toundra ?
-Bien sûr ! me répond Babin. Début juillet, vers le 2 ou 3, nos hélicoptères partent ramasser les bois de rennes dans la région de Panaïevsk. Nous pourrions vous déposer et vous reprendre une semaine plus tard. Cela vous irait ?
-Formidable ! Je vous remercie ! »

Nous avons donc une dizaine de jours pour gagner le gisement de gaz Bovanenkovo en train et revenir à Salekhard pour le rendez-vous de l’hélicoptère de Babin. Vladimir s’oppose à l’idée de cette incursion dans les territoires gaziers. Il pense que nous ne serons jamais rentrés à temps.
« Tu ne sais pas ce qui peut se passer dans la toundra ! On voit bien que tu n’as aucune expérience ! »
Je ne me laisse pas intimider. Vladimir grogne et me suit.
Avant de nous lancer dans la toundra, nous contactons le ministère des Situations d’urgence – l’autorité du dernier recours – au cas où il nous arriverait quelque chose. Le ministère s’occupe des opérations de sauvetage, des crises énergétiques et autres malédictions.
Le chef du bureau local, Vladimir Grégorievich, nous ouvre la porte, un homme bâti comme un boxeur mais sans nez cassé, en marinière et tenue de camouflage. A peine assis dans son bureau, à 9 heures du matin, il nous sert des verres d’eau-de-vie de racines dorées*. Rapicolant cordial. Il me demande qui prévenir en cas de dispariton et nous commande une voiture de milice pour nous mener aux premiers virages de la piste.

* Il s’agit de la Rhodiola Rosea, ou racine arctique, une plante qui aide à combattre le stress et le vieillissement. Sa racine est connue dans la médecine traditionnelle russe pour augmenter l’endurance. En Suède, on affirme que les Vikings lui devaient leur légendaire force physique et, aujourd’hui encore en Sibérie, on offre des racines de Rhodiola aux jeunes mariés. La plante fut « redécouverte » dans les années 1940 par le médecin russe Nicolaï Lazarev. Staline lui avait demandé de trouver les moyens d’accroître la résistance physique et intellectuelle de la population russe. La plante est dite « adaptogène, ce qui signifie qu’elle possède des propriétés régulatrices qui aident l’organisme à s’adapter à différents chocs.
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