L'Oural en plein coeur - Astrid Wendlandt
Dans "L'Oural en plein coeur" se mêlent deux quêtes, l'une amoureuse, l'autre ethnographique. Passionnée par les peuples en sursis, Astrid Wendlandt se lance sur les traces des derniers...
Si tu as cultivé des relations avec les plantes de ton potager, elles te guériront et te soigneront... L'oural offre un terreau propice à ce genre de philosophie car la plupart des gens de ce pays croient plus en l'avenir de leur potager qu'en celui de la Russie de Vladimir Poutine.
Le point de terre le plus septentrional de notre hémisphère se trouve au bord d'un précipice que l'humanité n'approche pas. Il est bon de marcher le long des parapets. Le désenchantement du monde n'est pas une fatalité. La beauté, la magie et le sacré sont à portée de main.
Les habitants de l'oural descendent des premiers Indo-Européens. Plusieurs nations fondatrices de civilisations modernes se sont mélangées dans son creuset. Toutes les grandes migrations s'y sont chevauchées. L'Inde y a rencontré l'Europe dansun frisson, l'Asie a serré la main de la Perse. Les Scythes et les Sarmates y ont régné pendant des sciècles. Les steppes de l'Oural ont toujours été foulées par des hordes de nomades. Dans ces plaines rabotées par le vent, la neige ne tient pas, permettant aux bêtes d'accéder aux herbages. Les Bachkirs sont l'un de ces peuples d'origine turcique, des éleveurs de chevaux et de vaches. Plus au nord subsistent en petit nombre d'autres minorités telles que les Khanty, les Mansis, les Komis et les Oudmourtes. Peut-être rencontrerais-je des ermites ? Je pars explorer cet axe mythique avec l'espoir d'y trouver des survivants de civilisations effacées par le temps, piétinées par l'Histoire.
S'entourer de livres c'est choisir ses amis.
Le russe vit dans l'instant, le projet tue l'aventure
J'appelle cet endroit le "rendez-vous des ombres". Des milliers de prisonniers du goulag ont péri ici... Les cris des ouvriers tués par le froid, la faim et la violence, ce sont imprimés sur les murs délavés, sur la terre, le bitume et jusque sur l'écorce des arbres. Les âmes disparaissent, les hurlements restent. Je suis toujours sensible à l'aura sinistre de Labytnangui quand je m'y rends.
Dans les années 80... pendant que les caisses de l'Etat se vidaient, les poches des nouveaux capitalistes se gonflaient. A travers le pays, les nouveaux barons de l'industrie russe, les fameux "oligarques" se bâtissaient un empire. Ils venaient de s'acheter des groupes pétroliers, des usines, des gisements de gaz pour une bochée de pain; ils dépeçaient la Russie comme un gibier tout juste abattu.
Je ne suis ici qu'un être vivant parmi d'autres. Une pierre sous un arbrisseau, un roseau dans un marécage. Rien ne compte, rien n'est important. Je ferme les yeux. Je suis chez moi. La toundra n'appartient à personne et personne ne lui appartient. Tout est fluide et fugace comme les bêtes qui paissent et les hommes qui passent.
Les athées détruisent les miracles, les amis les illusions. Il est des mondes où il vaut mieux s'aventurer seule.
La dimension infinie du pays (la Russie) ouvre l'esprit de celui qui le contemple