On est plusieurs à vouloir t'aider, mais tu es la seule qui peut le faire. Tu cherches une perfection qui n'existe qu'en théorie.
Déplaçant son fou sur l'échiquier, elle demande à Lucas, qui n'a que 9 ans, ce qu'il veut faire plus tard:
Un silence
-On verra bien, répond-il sans lever la tête prêtant toute son attention à la partie en cours. Elle comprend que, fort d'un caractère bien trempé, son neveu décidera de son futur sans dictat, sans contrainte. Ce sera son choix.
A cet instant, elle l'envie. Elle voudrait avoir le même aplomb, la même capacité à s'écouter
On est plusieurs à vouloir t'aider, mais tu es la seule qui peut le faire. Tu cherches une perfection qui n'existe qu'en théorie. (...) Tu dois te mettre en tête qu'il existe d'autres schémas, dont le plus réparateur est de ne pas chercher à plaire à tout prix pour avoir l'adoubement. Mais à t'écouter toi, et ce que tu veux intimement.
Elle a souvent entendu Manuel citer Mario Andretti, ce pilote automobile italien des années 70. " Si tu es maître de ton véhicule, c'est que tu ne roules pas assez vite". Dans cette industrie, tout file à mille à l'heure. Il faut être et prendre du speed. Être rock'n'roll. Frôler sans cesse le mur de la démesure. On lui demande d'être brillante, elle se sent inconsistante. Engagement. Performance. Résistance. Le poing levé, et les budgets serrés.
- T'as peur de quoi ? De réussir ? De prendre enfin ton pied ?
Ils sont très proches mais chacun a son univers, son monde. Ils le respectent naturellement puisqu'ils ne le comprennent pas. Elle aime Romain. Avec lui, Lucile se sent dans un jeu à somme nulle. Aucun perdant, aucun dominant, la parité est leur crédo. Dix ans de vie presque commune qu'ils entretiennent à coup de fous rires, de surprises, d'émoi et de compréhension, d'amour inconditionnel.
Fuir équivaut parfois à survivre.
Le plus important c'est que tu te réalises toi. Pas pour faire plaisir aux autres.
"Bon pour une séance de psy". Le cynisme de son compagnon la glace, la laissant sans voix. Un mot écrit à la main accompagne le carton : l'an dernier on comptait 30 000 burn-out, 3 millions de personnes en danger d'épuisement, 400 suicides liés au travail et plus de 4 000 infarctus imputables au stresse professionnel.
(...)
- Comment fais-tu pour accepter encore tout ça, après tant d'années ? lui demande-t-il ironiquement. Toute cette souffrance qui grandit en toi. Ce que tu t'imposes chaque jour davantage.
On ne souffre pas de ses désirs, on souffre de ne pas les caresser.