LA JEUNE FILLE. Et si tu savais comme notre intimité et, ces jours derniers, mes visites chez toi m'ont été précieuses, à moi qui n'avais jamais vécu jusqu'ici dans un milieu cultivé. Imagines-en le bienfait pour moi qui ai grandi dans un trou, dans une atmosphère renfermée, où les gens, d'une existence douteuse et mystérieuse, s'agitaient autour de moi, chuchotant, se disputant, taquinant ; sans jamais pour moi un mot aimable ou une caresse, surveillant mon âme comme on surveille un forçat... Penser que c'est de ma mère que je parle ainsi et cela me fait mal, oh ! si mal ! Et tu vas me mépriser !
LISEN. On ne choisit pas ses parents...
LA JEUNE FILLE. Non, mais on expie leurs fautes. On dit, je le sais, qu'on peut mourir sans avoir réellement connu la nature des parents, avec qui on a passé sa vie. Cela est probable : car le saurait-on qu'on ne le croirait pas !
Scène III