Nous finîmes de dîner en conversant de tout et de rien, de culture, de cuisine, de cette rétrospective dont j'avais aperçu l'affiche au cinéma municipal, trinquant un dernier verre de shōchū.
Étions-nous en train de refaire le monde comme deux piliers de bar, ou y avait-il là les échos d'une connivence profonde, de celle qui affaisse les frontières ? L'homme qui se tenait face à moi s'était métamorphosé par rapport aux premiers jours. Je suspectais les leurres de l'alcool, mais il aurait facilement pu siffler dix bières de plus. Le masque nippon auquel je m'étais si souvent confronté paraissait doucement s'effriter sous mes yeux. Le personnage n'y était sans doute pas pour rien ; depuis un certain temps déjà, lui-même devait en gratter le bois verni de l’intérieur, incapable de s'y fondre corps et âme tant il devait le questionner, l’examiner de chaque côté pour en deviner les fêlures. Je l’avais seulement invité à m'en faire part.