Interview de Bastien Cazals
Entre la naissance et le collège, le rôle de l'école primaire m'a paru essentiel. D'abord, les enfants sont encore curieux du savoir et à l'écoute de l'adulte; ils ont tout à découvrir. Ensuite, le professeur enseigne toutes les disciplines, et, tisser des liens entre elles, permet de donner du sens aux activités scolaires. Mais surtout, en charge de la classe à plein temps, il peut réellement aider l'enfant à se construire positivement. Parce que pour apprendre, un élève doit avoir confiance en lui, en son maître, en l'école. Si j'étais intellectuellement attiré par la pédagogie mise en oeuvre dans les écoles associatives occitanes, j'ai préféré exercer dans le public avec le même état d'esprit. Pour ceux qui ont tiré un moins bon numéro à la naissance. Pour l'égalité des chances.
J'ai toujours pensé que la naissance était une loterie à laquelle j'avais eu beaucoup de chance. La chance d'être entier, en bon état de marche. La chance de naître dans une famille unie et plutôt joyeuse. Dans une République, la France.
Je trouve ces nouveaux programmes calamiteux: ils font l'impasse sur la construction de l'estime de soi et sur celle du sens des apprentissages, ils ne s'embarrassent pas de rendre l'élève acteur de sa propre formation. Ils s'attachent plus au résultat final qu'au cheminement intellectuel et ils sous-tendent une pratique pédagogique fondée sur la transmission et la répétition, l'exigence et l'autoritarisme.
L'éducation n'est pas un coût, mais un investissement. Ses bénéfices ne sont pas financièrement quantifiables.
Dans la société française du XXIème siècle, bouleversée par la mondialisation libérale et l'avènement du numérique, je ne crois pas que ce soient les méthodes pédagogiques de Jules Ferry qu'il nous faille retrouver mais bien plutôt l'ambition républicaine de son école !
Je suis révolté de voir l'effet de cette dérive idéologique (l'intervention policière en milieu scolaire) : dans l'école du futur, enfance rime avec sélection, dépistage, fichage !
Désormais, dès son arrivée à l'école maternelle, chaque enfant se voit attribuer un Identifiant national élève (INE), sans que ses parents n'aient aucun droit d'opposition.
L'école souffre des mêmes maux que notre société: le délitement des libertés individuelles et collectives, l'abandon des valeurs humanistes, l'inégalité des chances.
Considérer que la délinquance est programmée revient à nier l'acte même d'enseigner, ainsi qu'à nier le poids du contexte social.