Au début, la seule à en parler est la mère. Et encore : peu et à presque personne. Les hameaux sont dispersés, il peut s’écouler du temps sans qu’on se voie, surtout quand la météo est rude, allez savoir qui est chez soi et qui a disparu. Pendant des semaines les habitants de la vallée n’y prennent pas garde. C’est l’épicier ambulant, lui qui passe chaque semaine dans toutes les maisons avec sa camionnette, qui lui dit un jour Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu ta fille. Elle s’est raidie, racontera-t-il ensuite, hautaine dans sa blouse grise, ou noire peut-être, ses cheveux gris, oui, gris et ramassés dans un chignon trop serré, raidie comme si je lui avais envoyé une décharge électrique. Il n’a pas insisté.