AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Benoît Meyronin (2)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
La génération Y, le manager et l'entreprise

« La génération Y, le manager et l’entreprise » des Presses universitaires de Grenoble est une vaste étude consacrée aux pratiques numériques de la génération des 18-25 ans, aussi appelée génération Y, menée sur 3 ans de 2012 à 2015 par partenariat entre Grenoble, Ecole de Management et Orange sous la forme d’une chaire d’enseignement et de recherche.

In fine, le but de cette étude est d’anticiper les meilleures adaptations de modes de management et leur formation pour optimiser la transformation digitale des entreprises.

Mon intérêt pour ce livre est dans l’explication de l’attrait voire de la compulsion des jeunes pour la connexion en « flux continu ». Mon fils de 20 ans est un de ces enfants de la génération Y hyper-connectés. Ce qu’on appelle ici un fort utilisateur : plus de 10 heures par jour. Paradoxe, il n’a aucun compte dans les réseaux sociaux et est inconnu sur Google.

Je remercie l’opération Masse critique et P.U.G. pour m’avoir donné l’occasion de découvrir ce travail de recherche.



Le livre est divisé en deux parties. La première reprend la méthodologie et les résultats des travaux des chercheurs, la deuxième partie détaille les propos de praticiens de grandes entreprises. Plusieurs milliers d’étudiants ont été associés à cette étude en participant à des ateliers où ils se questionnaient sur leurs comportements face au digital. Les interrogations portent sur l’appétence, les aptitudes innées, les accélérateurs digitaux (capacité des jeunes managers à accélérer les processus digitaux), le multitâche (pouvoir se consacrer à plusieurs tâches en même temps). Il leur a été difficile de trouver des personnes peu ou pas connectées en France en 2014. Seulement 5% des digital natives (génération née avec Internet) de leur panel ne sont pas connectés ...



L’hypothèse globale de cette étude est que les compétences futures de la génération Y, en matière d’usage du numérique au travail, sont la conséquence de leur relation d’attachement et de dépendance affective construite par leurs pratiques numériques. Je zappe la méthodologie et les conditions d’enquête qui sont rigoureuses et largement détaillées. L’étude est pluridisciplinaire et fait appel à la sociologie, à la psychologie, aux sciences politiques et à la philosophie.





Le numérique au sens large s’apparente pour la génération Y à tout usage mettant un rapport l’utilisateur avec un écran, ou associé à des usages collectifs, inscrits dans une dimension interactive (jeux, discussion en ligne) ou au contraire à un usage individuel pensé comme solitaire et digne de leur autonomie (regarder un film en ligne). La quotidienneté est perçue comme étant évidente. Pour eux, c’est normal, quasi naturel. Il existe une imbrication du numérique à la vie sociale, n’établissant pas de différence entre vie privée, vie sociale, vie professionnelle.



La connexion numérique est utilisée pour combler l’ennui c.à.d. une pause entre deux cours, une attente dans les transports en commun, un moment de solitude. Mais les étudiants avancent aussi le motif du manque d’intérêt pour les matières enseignées (surtout l’enseignement obligatoire non désiré à valider dans un cursus universitaire). La connexion réinvestit la perte de sens et d’envie vécue par l’étudiant sous 3 formes : le cognitif (s’octroyer une pause en réponse à un effort intellectuel requis), le corporel (le toucher de l’objet numérique), l’émotionnel (le plaisir de l’instant).

Ils admettent d’ailleurs rechercher à ressentir davantage d’émotions pour échapper à la banalité : le zapping émotionnel correspond aux activités numériques qui favorisent ces sursauts émotionnels (joie, stress, rire, etc.), ce recours à l’émotion tente de recréer l’intérêt et même une excitation face à une situation affective inconfortable ou un environnement désaffecté. Bien que certains étudiants se connectent par habitude, réflexe, compulsion appelé ici zapping numérique pour s’occuper et partager.



D’ailleurs, les activités numériques de la génération Y se partagent entre activités de travail et activités ludiques. Ils tentent de trouver un équilibre entre contrainte et plaisir mais ne parviennent pas toujours à instaurer des dispositifs de régulation et de contrôle car cela nécessite détermination et motivation. Il existe d’ailleurs une distorsion entre leurs impressions et leurs pratiques : eux distribuent à parts égales leurs activités longues et leur zapping. Or, il semble que les activités appareillées soient très courtes de l’ordre de 1 à 5 min max.

Une activité longue correspond à une activité liée au travail universitaire (prise de notes, recherche documentaire), à une activité à dimension récréative (visionnage de film, séries, lecture d’articles, jeux en ligne). Le zapping concerne le checking et la lecture rapide et transverse de notifications, sites d’informations, réseaux sociaux, jeux rapides sur applications mais aussi visionnages de films et séries en arrière plan pendant un cours, un repas entre amis ou en parallèle d’une recherche ou une visite d’un site web.

Ces activités sont menées de façon routinière et peu diversifiées par besoin de se rassurer et de contrôle et effectuées par organisation selon des temporalités et des activités précises comme un rituel (Par exemple : Facebook => mails => Le Monde => Eurosport : voir s’il n’y a rien et se tranquilliser une fois que c’est fait)

Cette logique de dispersion devient une normalité et ils sont nombreux à dire que cette activité parallèle ne nuit pas à leur écoute et à leur attention.

Par contre cette routinisation de leur activité numérique entraîne une lassitude et alimente l’ennui parce que les étudiants, du fait de leur navigation soutenue, ont vite fait le tour d’horizon numérique. Quand il est bien contrôlé, le divertissement numérique favorise la décompression et l’oubli de soi àl’instant même où son utilisateur en a besoin et peut permettre de devenir plus efficace à sa suite dans le travail.



L’étude s’inquiète de l’impact de l’utilisation des outils numériques sur les fonctions cognitives (capacités de notre cerveau qui nous permettent notamment de communiquer, de percevoir notre environnement, de se concentrer, de se souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances) Ils ont donc cherché à mesurer leur impact sur les capacités d’apprentissage et de mémorisation des Digital natives et d’un groupe contrôle d’une génération différente en utilisant le multitâche (deux tâches à réaliser en simultané) et la tâche swift (répétition) En conclusion, l’étude démontre que l’usage intensif et simultané de plusieurs outils ou d’un outil simultanément avec d’autres activités (utilisation du téléphone mobile pendant la conduite automobile par exemple) diminue nos capacités de filtrage et de mémorisation d’informations. Il semble également que les utilisateurs massifs de ces outils ne s’en rendent pas compte et que le danger soit dans l’illusion d’une performance augmentée grâce à des outils plus pratiques, plus rapides et ergonomiques. On parle également d’ergonomie cognitive pour soulager l’utilisateur (interaction entre les applications des ordinateurs pour stopper et ralentir des fenêtres intempestives)



Par rapport au WEB social (Facebook, Linkedin, Twitter, etc) l’étude s’est penchée sur la problématique de la visibilité pour la recherche d’emploi ainsi que la construction d’une présence numérique compatible avec la sphère professionnelle.

Le premier lieu d’exposition de la génération Y, vers l’âge de 13 ans, ce sont les skyblogs, crées avec pseudonymes, liés à l’univers du collège.

Ensuite vient Facebook vers 2007-2008 en moyenne, à l’âge de 15-16 ans pour la plupart, fréquenté quotidiennement quasi «en continu ».

Twitter arrive fin 2012, à mi-parcours entre le privé et le professionnel, souvent par obligation professionnelle mais aussi par effet de mode. La fréquence de consultation est modérée, de 1 à 2 fois par jour, jusqu’à une fois par semaine.

Finalement viennent les réseaux sociaux professionnels par l’imminence de l’entrée des étudiants sur le marché de l’emploi, la recherche de stage et par recommandation de l’école. Des profils sont créés de façon ludique sur des sites conseillés. Le temps de consultation est très court (5 minutes) et souvent motivée par la réception d’une notification par email.



Arrivés à ce stade de l’approche sur le marché du travail, les étudiants cherchent à se mettre en conformité avec les attentes d’une bonne réputation numérique.

Tous ont déjà recherché leur nom et prénom sur un moteur de recherche pour voir les résultats. Il s’ensuit un nettoyage et un effort de paramétrage. La conclusion est que plus l’enquêté est jeune et que son milieu social est moins aisé, moins il aura fait attention à préserver sa vie privée.

Pour la génération Y, pour la recherche d’emploi, les réseaux sociaux se limitent à être un outil de renseignement secondaire. Pour eux, ce qui importe c’est d’acquérir une identité professionnelle sur Internet. Le plus utilisé est LinkedIn où ils ouvrent un CV à l’anglo-saxonne, très documenté sur les expériences acquises et doté d’une photo travaillée, loin de la photo d’identité classique.

Cette étude montre que, bien que les étudiants se soient investis dans la construction méticuleuse d’une identité numérique professionnelle, ils ne sont pas certains que cette visibilité en ligne leur apportera un travail. Leur méthode de recherche de travail reste classique et ils y pensent plutôt comme un investissement pour « plus tard », car ils sont conscients d’avoir des profils de novices, trop standardisés pour être démarqués (sauf ceux qui ont fait appel à une stratégie médiatique : par exemple ce candidat qui s’est mis en vente par enchères sur Ebay).



La dernière partie du livre, celle qui, j’avoue, m’intéresse moins, détaille la génération Y au travail par rapport à la technologie, à la carrière et au management.

Maîtres mots : appétence et aisance pour les outils numériques ce qui pousse l’entreprise à adapter ses pratiques. Eux doivent s’imposer des limites en fonction de l’environnement (chez les clients), en fonction de la confidentialité (récupération de données sur Internet), à arriver à se couper de leur environnement technologique (pour pouvoir se régénérer), à prendre l’humain en compte (fracture numérique avec les autres générations, gestion du temps, etc). Leurs attentes au niveau carrière sont fortes : responsabilité, diversité et équilibre entre vie privée et vie professionnelle ce qui amène les entreprises à repenser les carrières et le temps de travail (mise en place du télétravail). Le management doit comprendre que cette génération a besoin de sens, de transparence et d’explication et leur demandera de les motiver et de les reconnaître.



En conclusion, j’ai été très intéressée par la lecture de ce livre. Il est fastidieux : les chiffres, le langage particulier et l’attention accrue qu’il demande m’ont pris du temps. Je suis pourtant contente de l’avoir fait et je vous demande de l’indulgence. Peut-être n’ai-je engrangé que ce qui me tenait à cœur. Il est probable que la lecture vous en apporterait d’autres aspects.

Commenter  J’apprécie          124
La génération Y, le manager et l'entreprise

Selon le quatrième de couverture, ce livre devait répondre à des questions telles que "Quelles évolutions des comportements numériques apportent-ils à l'entreprise ?" ou "Quels managers [les Digital natives] seront-ils demain ?". Alors que je pensais l'ouvrage très axé sur l'impact des nouvelles technologies sur la jeune génération (ie les personnes nés à partir de la fin des années 80) et les impacts sur leurs comportements dans l'entreprise, la majorité des travaux de recherche présentés ici nous dresse essentiellement un état des lieux du rapport des jeunes au numérique. J'ai eu la sensation de survoler de simples constats, rarement très surprenants (les jeunes sont hyper-connectés, l'utilisation simultanée d'applications est faite pour tromper l'ennui, la multi-activité nuit à l'efficacité, les sollicitations en temps réel deviennent aliénantes alors même que c'est la liberté qui est recherchée par les utilisateurs...).

La fin de l'ouvrage présente des témoignages d'intervenants en particulier issus d'Orange (jusqu'à quel point ne sont-ils pas jugent et partis... l'objectif d'une société de télécommunication n'est-elle pas de promouvoir les nouvelles technologies de l'information et de la communication ?). Alors, là aussi on y lit que les jeunes sont plus à l'aise que leurs aïeux dans la manipulation du numérique et que les entreprises sont désormais contraintes de revoir leurs politiques de confidentialité ou combien les managers actuels croient dans le potentiel de ces futurs managers...



... mais à aucun moment on ne peut y lire le terme "Risques Psycho-Sociaux".



Surprenant ! Alors qu'aujourd'hui, les risques liés à la sur-utilisation du numérique préoccupent RH et conseillés autant que la consommation de drogues ou d'alcool en entreprise. Qu'en est-il de la capacité anxiogène des NTIC, de la destruction des cellules familiales ou du collectif au travail, quels sont leurs impacts sur les accidents de travail dans des secteurs où le jeune, d'une main poste des commentaires sur le Net et d'une autre conduit un engin de chantier ou fait tourner une ligne de fabrication sans plus aucune conscience du principe de réalité ? N'existe-il pas de témoignages de managers montrant qu'il est aussi difficile de retirer le Smartphone des mains d'un jeune que de retirer une bouteille à un alcoolique ? Quid des dépressions, de la destruction du tissu social, de la disparition de nos espaces de récupérations ?



En conclusion, je trouve que ce livre dresse un état des lieux, étayé par des méthodes structurées, qui correspond à ce que l'on ressent intuitivement sur ce sujet, mais qu'il ne correspond qu'au point de départ d'une analyse plus complexe à faire sur l'impact du numérique dans le monde de l'entreprise et la révolution que ces dernières doivent opérer pour suivre ces évolutions.
Commenter  J’apprécie          80


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Benoît Meyronin (18)Voir plus

Quiz Voir plus

Stupeur et tremblements

De combien de temps était la durée de son contrat ?

2 ans
1 an
6 mois
4 mois

10 questions
582 lecteurs ont répondu
Thème : Stupeur et Tremblements de Amélie NothombCréer un quiz sur cet auteur

{* *}