Sylvie Steinberg nous parle de la sexualité pour la revue "Au fait : Huit regards sur le Sexe" de
Xavier Delacroix.
Sylvie Steinberg est une historienne. Elle est directrice de recherches à l'EHESS et a dirigé le volume collectif "
Une histoire des sexualités" (PUF, 2018).
"Huit Regards sur le Sexe" avec la participation de
Sylvie Steinberg,
Philippe Combessie,
Nathalie Bajos,
Harry Bellet,
Laurie Laufer,
Brigitte Lahaie,
Jean-Marc Souvira, Anne Tomiche, Pierre Zoberman et
Agnès Giard, disponible aux Editions Cent Mille Milliards.
Photos de Alain Mandel.
Retrouvez l'intégralité des livres édités sur notre site: https://centmillemilliards.com/wp/
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Quoi qu’on fasse dans la vie, on est d’accord avec soi-même lorsqu’on est capable de s’assumer. Si ma conduite n’a jamais été un modèle de vertu ou de moralité, je défie n’importe quel homme politique, chef d’entreprise ou artiste connu de me donner des leçons d’honnêteté. Contrairement à beaucoup d’entre eux, je n’ai pas à rougir de ma carrière, car ce que j’ai fait, non seulement je ne l’ai jamais caché à personne, mais je me suis fixé une sorte de devoir de tout dire, de donner tous les détails, pour qu’on sache une bonne fois pour toutes qu’il n’est pas plus infamant de faire l’amour devant une caméra, que de conduire certaines campagnes électorales mensongères, ou de juger ses semblables avec hypocrisie, lorsqu’on se livre soi-même aux pires débauches.
"Je suis ensemble", murmura-t-elle. Et pendant une fraction de seconde sus pendue, magique, les inflexions de sa voix s'accordèrent au martèlement étouffé des sabots de Louxo, au bruissement des feuilles, à l'écho des ordres lancées des écuries par François, au pépiement d'oiseaux invisibles, au bourdonnement lointain de la ville, à la symphonie sacrée de l'univers.
Il est bien connu que la flatteuse vit aux dépens de celui qui l’écoute : c’est un grand secret que de pouvoir faire pratiquement tout accepter à un homme, du moment qu’on le flatte, qu’on lui reconnaît des mérites, qu’on le place, pour une raison ou pour une autre, au sommet de la pyramide des champions. Les femmes ont bien des orgueils, des amours-propres mal placés, mais pas cette vanité typiquement masculine. Chacun se bat avec les armes que la nature lui a attribuées.
Il n’était pas rare […] que des messieurs me suivent, me sourient et m’invitent à déjeuner, à dîner, à danser. Les plus pressés ou les moins hypocrites me demandaient carrément :
– Combien ?
Ce à quoi je répondais invariablement :
– Au moins dix ans.
– Dix ans quoi ? me demandait l’inconnu vraiment surpris.
– Dix ans avant que j’accepte.
En général, ils repartaient furieux, en haussant les épaules comme si c’était moi qui les avais agressés !
Je laisse parfois négligemment entrouvertes la porte de ma chambre et je prends des poses évocatrices quand il passe et que je m’habille en tenant compte de ses goûts. Et surtout je ne refuse plus ses avances. Un homme supporte mal le refus de sa maîtresse, c’est une atteinte à sa virilité. Si au début il feint de comprendre, ensuite, par peur d’essuyer un refus, il se détache de l’objet désiré.
Dans le monde animal, la femelle mène la danse dans le plus grand nombre d’espèces. Chez les insectes, la reine des abeilles est toute-puissante. Parfois même, comme la mante religieuse, le mâle, sitôt accompli l’acte de reproduction, est dévoré sans la moindre reconnaissance. Si le lion porte une crinière majestueuse, il s’incline devant ses femelles chasseresses. Quant aux chevaux, que je connais si bien, vous verrez toujours en chef de troupeau, non pas un étalon vigoureux mais une jument d’expérience qui sait calmer le jeu quand deux jeunes mâles commencent à rivaliser. Elle veille à l’harmonie du groupe.
Les femmes, malgré de nombreuses avancées réelles et nécessaires dans la société, exprimaient clairement désirer un changement, vouloir désormais une nouvelle révolution. Une évolution nécessaire qui s’est malheureusement transformée en chasse aux sorcières. Pas un jour sans une dénonciation, pas un jour sans une affaire, pas un jour sans un nom balancé. Nous sommes passés en peu de temps à des amalgames très dangereux. Plus question de couper les têtes, mais les couilles de tous ceux qui oseraient encore moufter.
Si ma vie intime m’a fait rencontrer plus d’hommes que la moyenne, mon expérience professionnelle, en dix-sept ans de radio, s’est nourrie de témoignages mais aussi de rencontres de spécialistes. J’ai dû entendre environ 40 000 personnes me raconter leur vie affective et sexuelle. J’ai aussi autour de moi de nombreux sexologues, psychanalystes et autres spécialistes en relation avec les sciences humaines, qui sont devenus des amis. Alors, oui, j’ose affirmer que j’ai une réelle légitimité en la matière.
Voilà pourquoi je n’aime pas ces réseaux sociaux : trop d’affect et si peu de réflexion. Son nerf de la guerre est le culte des réactions à chaud. À défaut de penser, on exulte les pulsions. Cela traduit nombre de blessures enfouies. La haine projetée sur l’autre est une haine de soi. Un exutoire encouragé par le principe d’anonymat de ces modes de communication. Malheur à ceux qui prennent encore le risque de parler à découvert !
J’ai appris à aimer Lyon. J’ai mis des semaines à connaître cette ville fascinante, à me reconnaître dans les vieilles rues qui surgissent au moment où on s’y attend le moins sur les quais de Saône. Les vieilles boutiques de Fourvière, les magasins de luxe de la rue de la République, le parc de la Tête d’Or, la montée de la Croix-Rousse. Je me dis aujourd’hui que si un jeune Lyonnais m’avait fait la cour, s’il m’avait demandée en mariage, je serais devenue sans aucun doute une de ces jeunes femmes calmes et satisfaites qui promènent leurs enfants à Gerland ou sur la place Bellecour. Je serais devenue lyonnaise, comme la quenelle ou la charcuterie fine. Oui mais voilà. Aucun Lyonnais ne m’a fait la cour, aucune aventure ne s’est présentée à moi, avant que ma décision ne soit véritablement prise : la seule issue, la seule solution était Paris.