Une jolie réécriture théâtrale du conte de la Belle et la Bête, transposée dans un univers aquatique. Belle et sa famille vivent de la pêche et vivent dans une contrée faites de lagunes inquiétantes, peuplées d'anguilles. La Bête elle-même, même si jamais décrite, serait à imaginer, selon l'analyse en fin d'oeuvre, en être mi-serpent, mi-poisson, mi-humaine. On ne peut pourtant s'empêcher de penser au magnifique film de Jean Cocteau en imaginant certains passages.
1. LA STATUE…
Une mer d’huile, lisse, brillante…
Au loin,une forme presque hum aine en émerge,
rocher,statue usée parles vagues ? Elle ressemble
à une femme marchant ou courant sur l’eau, bras
en avant…
Un petit canot s’éloigne vers le large, à force de
rames. À son bord, de dos, une jeune fille au
chapeau de paille, assise sur le banc de poupe ;un
pêcheur tient les avirons, il va poser ses casiers, ou
les relever…
LA JEUNE FILLE.– Là !… On dirait une femme !
LE PÊCHEUR.– (sans cesser de ramer) C’est la roche
Bernardine.
LA JEUNE FILLE.– Quel drôle de nom !
LE PÊCHEUR.– On l’a toujours appelée comme ça…
LA JEUNE FILLE.– On dirait une statue… Pourquoi ici,
en pleine mer ?
LE PÊCHEUR.– Allez savoir !… Autrefois, c’était encore
la terre, ici… Bien plus loin, là-bas, vers le large, il y avait un port *… Les navires venus des Indes y déchargeaient… perles, soieries, épices… bois précieux, essences de plantes inconnues… émeraudes, corail, ivoire… fèves de cacao…
* Une musique monte insensiblement sur le récit du pêcheur rythmé par le mouvement des avirons. Elle est jouée sur un virginal par une jeune fille que l'on découvrira en 2.
Noir.
2. FORTUNE DE MER
Vers 1668, sur le port, l’hôtel d’un armateur. Dans la grande salle, une jeune fille, Belle, joue du virginal. C ’est la fin du jour, le soleil va se coucher sur la mer, les mouettes tournent au-dessus de l’eau en criaillant.
Entre une femme entre deux âges, Mariette, une tasse à la main.
MARIETTE.– Un cacao ? Un cacao pour ma caille ? Un
petit cacao pour se faire patienter les intérieurs ?
BELLE.– Merci, Mariette.
Elle signifie non de la tête et continue de jouer.
MARIETTE.– Non ?… Pas perdre un bon petit cacao !
Elle boit le cacao,reste un instant indécise, la tasse vide à la main.
Je vais mettre la table, ça va le faire venir!
Elle va et vient, entre et sort, prépare le couvert.
Belle joue.
Souper la nuit tombée, dans une maison honnête !… (elle regarde parla fenêtre) Dix minutes à peine et j’allume les chandelles, quelle pitié !
BELLE.– Nous ne sommes que lui et moi ce soir, il peut bien prendre son temps.
SITCOM 1
CHAGRIN D’AMOUR
[Jingle-générique]
SCÈNE 1.
CARLOTTE, NEJ, PUIS THOMAS.
CARLOTTE.– Tu pleures, Nej ?
NEJ.– Non, je pleure pas…
CARLOTTE.– Ma pauvre Nej !
NEJ.– Non, je t’assure…
CARLOTTE.– C’est à cause de…
NEJ.– Mais non…
CARLOTTE.– C’est parce qu’il est…
NEJ.– Oui…
CARLOTTE.– Ma pauvre Nej ! Je te comprends… Oh, comme je te comprends ! C’est tellement dur quand ils…
Elles pleurent dans les bras l’une de l’autre.
NEJ.– Heureusement que tu es là, Carlotte, c’est
plus facile de pleurer à deux. [Rires off]
CARLOTTE.– Oui, ça soulage…
NEJ.– Ça soulage, oui… À l’heure qu’il est, il est au-dessus de la Manche.
CARLOTTE.– Quelle manche ?
NEJ.– Non, pas ta manche, ni la mienne. [Rires off]
La Manche… La mer… La mer Manche !
CARLOTTE.– L’avion !
NEJ.– Oui, l’avion.
CARLOTTE.– Pour la Californie…
NEJ.– Pour la Californie.
CARLOTTE.– (intellectuellement ébranlée) Je me demande pourquoi la Manche… Tu es sûre que ça n’est pas plutôt l’Atlantique ?
NEJ.– Qu’est-ce que ça change ? J’ai toujours été nulle en géographie. [Rires off]
CARLOTTE.– Enfin, l’important, c’est qu’il est là-haut!
NEJ.– Là-bas !
CARLOTTE.– Oui, là-bas… Écoute, Nej, je suis ton amie.
NEJ.– Oui… C’est bon d’avoir des vraies amies comme toi, Carlotte.
Entrée de Thomas.
THOMAS.– Salut Nej et Carlotte ! Vous comptez rester cloîtrées dans votre chambre jusqu’à l’entrée du Prince Charmant… ou bien si vous viendriez
à la cafète siroter un petit chocolat de derrière les fagots avec un jeune homme pas mal fait de sa personne ? [Rires off]
NEJ.– Non, pas un chocolat !… (elle sanglote)
THOMAS.– Ben qu’est-ce que j’ai dit ?
CARLOTTE.– C’est pas le moment de plaisanter, Thomas.
NEJ.– ... Pas un chocolat!
THOMAS.– Qu’est-ce qui se passe ? Elle a une crise de foie ? [Rires off]
CARLOTTE.– C’est malin !… Pourquoi pas, Nej ?
NEJ.– La toute toute, la toute dernière fois, on a bu un chocolat, lui et moi !…
La scène représentera alternativement deux univers : l’espace du conte, l’espace des voyages de Monsieur Barbe-Bleue.
On tentera de faire en sorte que Le grand K et Monsieur Barbe-Bleue soient toujours en scène.
CONTE 1
EXÉCUTION 1
ELLE.– Pardon, pardon, pardon…
BARBE-BLEUE.– Trop tard, Madame, il faut mourir.
Il sort son long couteau… Frère entre. Le grand K fait en sorte que Frère ne puisse sauver sa sœur… Monsieur Barbe-Bleue égorge Elle…
SŒUR ANNE.– Aaaaaaaah…
Frère sort, désespéré… Le grand K fait reprendre le tout.
EXÉCUTION 2
BARBE-BLEUE.– Il y a du sang sur cette clef. D’où vient ?
ELLE.– Vraiment ?
BARBE-BLEUE.– Vraiment. D’où vient ?
ELLE.– Oui… D’où vient ?
BARBE-BLEUE.– D’où vient, ma pauvre amie, de que cette clef a servi, de que vous avez menti, de que ce sang vous trahit.
ELLE.– Pardon !
BARBE-BLEUE.– Il y a du sang sur cette clef. Point d’autre issue : il faut mourir, Madame, et tout à l’heure.
ELLE.– Tout à l’heure ?
BARBE-BLEUE.– Ici et maintenant.
ELLE.– Pardon, pardon, pardon…
BARBE-BLEUE.– Trop tard, Madame, il faut mourir.
Il sort son long couteau… Frère entre. Le grand K fait en sorte que Frère ne puisse sauver sa sœur… Monsieur Barbe-Bleue égorge Elle…
SŒUR ANNE.– Aaaaaaaah…
Frère sort, désespéré… Le grand K fait reprendre le tout.
EXÉCUTION 3
Monsieur Barbe-Bleue revient de voyage…
ELLE.– Déjà ! Oh non !
BARBE-BLEUE.– Hé oui : c’est moi, ma douce amie… C’est enfin vous !
ELLE.– Enfin, oui… Oui, enfin moi… Enfin vous !
BARBE-BLEUE.– Bonheur, bonheur!
ELLE.– Bonheur!
BARBE-BLEUE.– Le chemin m’a semblé si long, sans vous…
ELLE.– Oui, le chemin… À moi aussi… Ces affaires qui vous… Oui… Sont-elles heureusement réglées ?
BARBE-BLEUE.– Ces affaires ? Oh oui, sans doute, ces affaires…
ELLE.– Ah, bonheur!
BARBE-BLEUE.– Oui, bonheur! Ma tendre amie…
ELLE.– Ne dites rien, venez, mon doux ami !
1. CHŒUR DES OISEAUX
LES OISEAUX.– (chantent)
Le père est un bien brave homme
La mère une bien brave femme
Ma Chérie une bien brave enfant
Tous trois sont bien braves vraiment.
Et puis il y a la gouvernante
Qu’est bien gentille qu’est bien patiente
Qui s’charge de tout pour le moment
Tout l’monde est bien brave vraiment.
Mais assez de salades
Le père est bien marri
La fille renchérit
La mère est bien malade.
Mère a pâli
Elle si jolie
Le mal au lit
La met la lie.
Elle a beau mâ-
cher des médicaments
la maladie
grandit.
Au lit la maladie la lie!
Aïe aïe aïe mère a mal
Mais raval’ sa sali
v’aïe malheur aïe fatal
Mère a mal aïe au lit.
Dès que la vit père
En tel état piteux
le mal de mère
Si! l’a mis au pis.
Père au pis et pas
Gêné qu’au logis
Mère veuille pas
Aller au lit ti
qu’et de mettre au pas
Mère se propose
D’un tubercule ose
Le remède ingrat.
Tranche nappe au lit
Ténébreuses rondelles
et là mère languide
ça la mit.
Mère qui veut pas tâ-
te son lit maigre et
Nue mère ôte l’em-
plâtre sans regret.
Père pipa pas
D’où sans effet mère
Émue le dupa
Petit jeu sommaire.
À mi-mots mère d’amour l’émut!
Aïe aïe aïe mère a mal
Mère a mal aïe au lit
Aïe on dit que son malheur
va de mal en pis.
Noir.
- Je vous rends triste, la Belle, moi qui vous veux si heureuse! C'est parce que je suis une Bête!
- C'est parce que je suis prisonnière ... comme vous, la Bête?
Nous sommes très nombreux, loups et louves, assis, les oreilles dressées. J'attends, nous attendons tous, mais nous attendons quoi ?
Corbeau 1- "Qui l'eût cru,
Que dans sa couardise un sort quinteux lui fit quitter si tôt sa courte vie?...
Comble des quolibets, quoi qu'elle en eût,
Quitter ceux qui, quoi! furent tout son comptant,
Écarteler des cœurs qui, quand coulait son temps,
Lui étaient tout acquis!
Qui peut créer plus cruel quiproquo? Pourquoi?" (p. 13)
Je fais souvent ce rêve étrange : je trotte, non, plutôt je cours, mais calmement, c'est curieux, je cours à longues foulées souples sur un chemin de neige... Chaque flocon est une étoile, une étoile glacée... chaque pas, chaque patte soulève un jaillissement d'étoiles, je trotte sur la voie lactée...