Les frères du corbeau étaient les têtes d'affiche d'une pratique de la magie souvent liée au sang et à l'obscurité. C'étaient des hommes durs et mauvais que personne ne contrariait.
La plupart d'entre eux étaient ainsi. Jack non. Et s'il pouvait vraiment faire preuve de bon sens, il s'arrêterait avant que son talent ne le détruise.
Cependant, personne ne l'avait accusé d'être sensé. D'être un branleur, oui. Un voleur, un pécheur et un meurtrier, certainement. Mais d'être raisonnable, non. Jack pensa que le jour où quelqu'un l'accuserait effectivement de faire preuve de raison, il serait vraisemblablement temps pour lui de raccrocher.
— Allez, bande de tas de poussière, marmonna-t-il si bas que seuls les morts pouvaient l'entendre. Venez me hanter.
Il s'agrippa à Pete.
— Je suis claqué, ma belle. (Il lui caressa la main avec son pouce.) Mais tu pourrais toujours me maintenir éveillé.
— Va te faire foutre.
Pete le repoussa doucement de sa main libre.
Jack lui lâcha la main et la saisit par la taille, sous sa chemise de nuit. Ses doigts se placèrent entre les côtes de la jeune femme et l'attirèrent tout contre lui.
Ils allaient bien ensemble.
— J'rigole pas, Pete.
Le pire c'était qu'il disait la vérité. Si Pete avait, à cet instant posé les mains à son tour, Jack ne se serait pas retenu.
Ce n'était pas à cause du démon, ni du fait des Ténèbres. Jack était certain d'une chose à propos de lui-même ; il était totalement incapable de résister à la tentation. Pete était la flamme et lui le papier : s'il la touchait il prendrait feu. Aucun doute là-dessus.
— Je suis l’inspecteur Caldecott. Vous aviez quelque chose à dire à propos de Bridget Killigan ?
Il était avachi sur le rebord de la fenêtre, une cigarette allumée pendant sur sa lèvre inférieure. Le soleil était bas sur King’s Cross et éclairait la chevelure platine de l’homme, formant un halo sur un visage sale et creux.
— Oui, répondit Jack Winter en expirant de la fumée par les narines. En effet.
La dernière fois que Pete l’avait vu, il était immobile et baignait dans son sang. Les yeux fixés sur le plafond de la tombe de quelqu’un d’autre. Pete dut rapidement détourner le regard. Son cœur s’emballait devant la superposition des deux images de Jack, ses souvenirs projetant gouttes de sang et douleur sur le visage de son incarnation vivante. Il avait été tellement immobile.
Plus jeune aussi. Plus robuste. Un corps façonné par des nuits à dormir à même le sol et à se bagarrer à l’extérieur du club après ses concerts. Tout ça était loin. Jack était fin et anguleux. Il fit tomber la cendre de sa cigarette sur le rebord de la fenêtre et déplia ses bras et ses jambes tout en longueur, montrant le lit à Pete.
— Tu peux t’asseoir si tu veux.
Pete en aurait été bien incapable, même si Dieu lui-même le lui avait ordonné.
En sang et immobile. Mort.
— Toi… (Le mot sortit dans un frisson.) Toi.
— Oui, je suis un peu surpris moi aussi, répondit Jack en tirant sur sa cigarette comme s’il se trouvait sous l’eau et qu’il s’agissait d’oxygène. Je veux dire que quand j’ai appelé et que j’ai demandé l’inspecteur chargé du dossier Killigan, et qu’ils m’ont donné ton nom, j’ai failli changer d’avis. Tu ne mérites pas d’en retirer la gloire.
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Entre perdition adolescente, occultisme et amourettes ensanglantées...
Elle se retourna le voyant examiner une photo d'elle et de Terry sur la cheminée. Pete l'avait posée à plat, mais Jack l'avait relevée.
-C'est le type en question?
-C'est Terry, confirma Pete.
-Il a une tête de con.
-Merci pour cet avis éclairé, fit Pete. Toi tu as l'air d'un SDF, mais peut-être vaut-il mieux ne pas creuser le sujet, non?
Cependant, dans des moments tels que celui-ci, tandis qu’elle le regardait d’un air furieux et tapait du pied sur l’herbe morte au-dessus de la dernière demeure des Poole, Jack avait appris qu’il valait mieux pour lui faire ce qu’elle lui demandait. À moins qu’il n’ait envie de se faire gifler, mais il était trop tôt pour ce genre de préliminaires un peu pervers.