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4/5 (sur 5 notes)

Biographie :

Maître de conférences en science politique à l'université de Haute Bretagne (Rennes 2).

2012 "Qui gardera les enfants ? Les nounous et les mères"

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Retrouvez les Grands débats de la 3ème édition du festival de Mediapart. Premier débat : Ce qui (nous) arrive : l'anti-intellectualisme en campagne avec Edwy Plenel, président co-fondateur de Mediapart, Eric Fassin, sociologue et Caroline Ibos, maîtresse de conférence en science politique à Rennes II.


Citations et extraits (10) Ajouter une citation
L'enfant "français" n'est pas né par hasard, il est un enfant désiré par sa mère et non accidentel. Il ne faut pas croire, pour autant, qu'il serait le résultat de l'enracinement de la migrante dans la société française, la preuve de son "assimilation", du consentement à rompre avec sa vie d'avant l'émigration. Pas plus que les enfants africains de la nounou, cet enfant "français" n'échappe aux logiques économiques et familiales : il est en fait supposé permettre à la nounou d'inscrire dans la durée le pont économique, virtuel, qu'elle a construit entre la France et la Côte d'Ivoire. Le projet à long terme de la nounou est de retourner à l'âge de la retraite en Côte d'Ivoire pour faire construire dans le village de ses parents une maison "dure" en parpaings et ciment. Elle compte alors sur l'appartenance de son enfant à la société française pour perpétuer le système des mandats et, par-delà, l'ensemble du système migratoire. En cela, la nounou s'approprie certaines stratégies masculines apparues dans les années 1980, période d'expansion de l'immigration africaine subsaharienne en France. Les hommes africains migrants ont alors cessé de demander à bénéficier des mesures du regroupement familial, préférant rester seul et choisissant parmi leurs enfants nés en France et élevés dans les valeurs traditionnelles du respect des "vieux", celui qui, bénéficiant d'un bon niveau d'études, pourrait accéder à une situation professionnelle suffisamment avantageuse pour assurer des revenus à ses descendants et permettre à son ascendant de retourner au pays. Comme les hommes migrants, les nounous s'assignent le devoir, c'est un leitmotiv de l'immigration ivoirienne, de réussir en France et de rentrer mourir en Côte d'Ivoire.
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Les nounous sont choisies par leur groupe. Le projet d'émigration économique des femmes est élaboré dans le contexte social et culturel abidjanais et s'inscrit dans des représentations collectives particulières, notamment en ce qui concerne le genre et le rang social. Dans leur itinéraire, les nounous questionnent ces représentations mais restent prises dans un paradoxe : pour gagner en autonomie et en dignité en Côte d'Ivoire, elles partent en Europe travailler comme domestique, alors même qu'elles considèrent ce travail comme dévalorisant en soi et que, grâce à leurs ressources sociales locales, elles s'étaient partiellement affranchies des tâches domestiques à Abidjan. Il s'agit en quelque sorte d'une progression par la régression : la servilité dans l'émigration devient le gage de la possible émancipation à domicile. Ce paradoxe de la nounou peut être généralisé à l'échelle mondiale : les femmes sont désormais suffisamment affranchies pour faire comme les hommes et partir seules travailler au bout du monde, si ce n'est que les empois qu'elles y trouvent les rabattent sur la conception sexiste et patriarcale de la femme comme naturellement (liée au monde) domestique.
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"Une bonne nounou, c'est une nounou qui ne fait pas ce travail que pour l'argent", énoncent les employeuses. Ce jugement, fondé sur le stéréotype de la "nounou par vocation", appelle quelques précisions.
Il signale un conservatisme paradoxal des femmes actives contemporaines, à moins qu'il ne s'agisse d'une émancipation incomplète : alors qu'elles-mêmes ont gagné leur autonomie et tendent à renforcer leur position sociale par leur engagement professionnel, ces femmes projettent sur leur employée les valeurs cardinales de la domination masculine, qui associent l'activité domestique à l'altruisme et au désintéressement. Dans ce cas, les poncifs constitutifs de la construction sociale du genre recoupent les préjugés induits par les rapports de classe, et cela renforce la position dominante de l'employeuse : celle-ci imagine sérieusement qu'une femme – qui lui est socialement subordonnée – puisse avoir vocation à faire un travail socialement désavantagé.
Les justifications des employeuses rejoignent les arguments des théoriciens les plus libéraux et les moins concernés par les rapports politiques entre les sexes. La conviction qu'une "bonne nounou" doit être désintéressée déleste les employeuses de la responsabilité morale qu'il y a à rémunérer modestement la personne qui s'occupe de leur enfant. Il leur devient parfaitement légitime de chercher (et de trouver) une femme désirant, par vocation, faire un travail mal payé et peu considéré, une femme qui – pour reprendre leurs termes – "adore les enfants". Cette dernière occupe alors une situation sociale en harmonie avec son tempérament, choisit un travail dont les satisfactions immatérielles la comblent et tout va le mieux dans le meilleur des modes domestiques. Cette argumentation de l'employeuse éclaire une fois de plus l'impératif moral des acteurs sociaux, la nécessité qu'ils éprouvent de rattacher leurs actes aux catégories du juste et du bien. Penser que la nounou est satisfaite de son (triste) sort de dominée permet à l'employeuse de pacifier sa conscience morale. Elle s'accroche à ce raisonnement pour échapper à une contradiction morale insupportable : comment admettrait-elle qu'elle profite de la force de travail d'une personne défavorisée ?
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L'enjeu principal de mon enquête est de saisir le fonctionnement de la relation contrainte et asymétrique entre deux femmes, l'une étant favorisée et l'autre désavantagée. La relation est contrainte car seule la nécessité la fonde : la nounou n'a aucune vocation pour ce métier ; l'employeuse n'ouvre sa porte à une étrangère que parce que faire garder son jeune enfant à Paris est difficile.
Ma réflexion s'inscrit dans le cadre plus large des théories du care, qui mettent l'accent sur l'importance des engagements réciproques des acteurs sociaux plus que sur l'autonomie du sujet. Elles montrent que, pour conserver, améliorer, réparer le monde commun, le schéma dominant à ce jour, qui valorise un sujet rêvé comme rationnel et détaché de tout contexte historique ou social, est inapproprié. Pour que ce monde commun fonctionne, les sujets sensibles tout autant que rationnels, doivent s'engager les uns envers les autres et se trouver réciproquement responsables. Ils doivent ainsi reconnaître la dépendance, voire la vulnérabilité, comme la condition élémentaire du sujet social. Toute diplômée et bien rémunérée qu'elle soit, l'employeuse ne parviendrait pas à réaliser son désir de réussite familiale et sociale si, dans son ombre et sous son autorité, la nounou ne travaillait pas pour elle.
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À une situation professionnelle presque secrète – ne s'effectue-t-elle pas au cœur du domicile, que la loi déclare inviolable ? –, le droit, et notamment la norme du salaire minimum, ne s'applique que partiellement. Au cours de l'enquête, les familles employeuses autant que les nounous ont confirmé ce point. Le plus souvent, la famille propose un salaire mensuel global et des horaires quotidiens, sans que le premier soit scrupuleusement calculé en fonction des seconds. Dans la déclaration d'Urssaf, la famille employeuse minore le nombre d'heures effectuées en sorte qu'il corresponde au salaire versé. Au bout du compte, le tarif horaire de la nounou est très souvent inférieur au salaire minimum légal, et cela d'autant plus facilement que la convention collective, très favorable aux employeurs, établit une étonnante distinction entre les heures de "travail effectif" et les heures de "présence responsable" effectuées par l'employée, ces dernières n'étant rémunérées qu'aux deux tiers du salaire minimum légal.
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Embaucher une personne pour garder son enfant à domicile n'est pas anodin. Au-delà de la signature d'un contrat, qui transforme des particuliers en employeurs, l'enjeu n'est autre que la séparation entre le corps de la mère et celui de l'enfant, par l'interposition d'un troisième corps : le corps de la nounou.
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Et malgré la dépolitisation programmée de la relation, si l'on considère le conflit comme le langage spontané du politique, ces disputes rejouent en petit une problématique déployée à l'échelle mondiale : le mépris des pauvres et la dénonciation de leur nuisance.
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Employer une nounou, c'est introduire une étrangère au coeur de l'intimité familiale, ce que de nombreuses employeuses redoutent tant qu'elles ne peuvent le penser que sur le mode, finalement oppressif, de la domestication de la nounou.
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La disponibilité de la nounou a pour corollaire l'emprise de l'employeuse sur sa vie privée, même en dehors du temps de travail.
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Les employeuses ne savent pas que les candidates -à moins qu'elles ne soient socialement trop isolées - s'attendent parfaitement aux questions posées et ne peuvent être que difficilement prises en défaut.
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