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EAN : 9782081271746
288 pages
Flammarion (08/02/2012)
4/5   5 notes
Résumé :
Qui gardera nos enfants ? « La patronne voudrait que ses enfants comptent plus que ma chair. Mais ça ment. C'est juste le travail. » Nounou noire et bébé blanc : une situation romanesque s'il en est, que l'on songe à Autant en emporte le vent ou à La Couleur des sentiments. C'est aussi devenu un tableau ordinaire des squares de nos villes et de nos foyers. Car, si l'engagement professionnel des femmes s'est accompagné du développement d'un véritable marché de la gar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un ouvrage très intéressant, même si l'on peut relever quelques petites erreurs si je puis dire.
Tout d'abord, il faut souligner le travail considérable que cette sociologue a fourni pour recueillir le "matériel" nécessaire à cette analyse/enquête. J'en viens donc à un bon point qui est celui d'avoir plusieurs points de vue, notamment deux, celui de la mère et de la nounou. Ainsi, nous ne sommes pas "cantonnées" à n'avoir qu'un seul regard, souvent biaisé dans ce genre de travail sociologique.
Nous découvrons donc les femmes blanches bourgeoises comme nous ne les avions pas imaginé. du moins, pas à un tel point ; enfin, pour ma part. Sans être naïve ou ignorante, lire tant de racisme ou de déconsidération envers ces nounous m'a stupéfaite. Comment ignorer ces femmes alors qu'elles gardent et s'occupent des enfants, "petits-êtres précieux", normalement ?
Bref... Si le début de cet ouvrage dépeint avec quelques allusions sociologiques "empiriques" l'histoire de ces nounous et des employeuses, de leurs relations, etc... de manière objective, vers la fin, ce n'est plus du tout le cas, et cela m'a perturbé, même énervé.
Autant de subjectivisme pour une sociologue qui a normalement appris à "refroidir" l'objet, à écarter ses pré-notions, c'est déroutant. En effet, critiquer ainsi le capitalisme, le décrier sous toutes les coutures... J'ai été choquée. Certes, nous avons tous nos "croyances" sur le capitalisme, mais ne fallait-il pas rester "neutre" pour terminer une si belle enquête ? C'est bien dommage de lire les paroles de la personne singulière qu'est l'auteure à propos du capitalisme, que les paroles de la sociologue.
Un bon ouvrage, un brin caricatural et une fin décevante...
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Ce documentaire (parfois un peu caricatural) dissèque un phénomène de nos sociétés urbaines en pleine expansion : les mères qui veulent rester actives doivent souvent confier la garde de leurs enfants à une autre femme. Celle-ci est fréquement immigrée, a connu la pauvreté, doit accepter des journées à rallonge avec un salaire médiocre et a laissé ses propres enfants au pays pour venir gagner sa vie en France. A travers de nombreux entretiens, Caroline Ibos met face à face deux conceptions du métier de nounou : pour les nounous il s'agit d'un simple travail, peu considéré et mal rémunéré, alors que les mères pensent que les nounous ne sont jamais ni assez parfaites, ni assez aimantes, ni assez impliquées. Malgré une certaine "diabolisation" des employeuses blanches et bourgeoises, ce livre expose le problème douloureux qui se pose aux femmes du XXIème siècle: le partage entre travail et vie de famille.
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critiques presse (1)
LesEchos
21 février 2012
Ce dossier, aux dimensions aussi bien domestiques que géopolitiques, est de toute première importance.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
"Une bonne nounou, c'est une nounou qui ne fait pas ce travail que pour l'argent", énoncent les employeuses. Ce jugement, fondé sur le stéréotype de la "nounou par vocation", appelle quelques précisions.
Il signale un conservatisme paradoxal des femmes actives contemporaines, à moins qu'il ne s'agisse d'une émancipation incomplète : alors qu'elles-mêmes ont gagné leur autonomie et tendent à renforcer leur position sociale par leur engagement professionnel, ces femmes projettent sur leur employée les valeurs cardinales de la domination masculine, qui associent l'activité domestique à l'altruisme et au désintéressement. Dans ce cas, les poncifs constitutifs de la construction sociale du genre recoupent les préjugés induits par les rapports de classe, et cela renforce la position dominante de l'employeuse : celle-ci imagine sérieusement qu'une femme – qui lui est socialement subordonnée – puisse avoir vocation à faire un travail socialement désavantagé.
Les justifications des employeuses rejoignent les arguments des théoriciens les plus libéraux et les moins concernés par les rapports politiques entre les sexes. La conviction qu'une "bonne nounou" doit être désintéressée déleste les employeuses de la responsabilité morale qu'il y a à rémunérer modestement la personne qui s'occupe de leur enfant. Il leur devient parfaitement légitime de chercher (et de trouver) une femme désirant, par vocation, faire un travail mal payé et peu considéré, une femme qui – pour reprendre leurs termes – "adore les enfants". Cette dernière occupe alors une situation sociale en harmonie avec son tempérament, choisit un travail dont les satisfactions immatérielles la comblent et tout va le mieux dans le meilleur des modes domestiques. Cette argumentation de l'employeuse éclaire une fois de plus l'impératif moral des acteurs sociaux, la nécessité qu'ils éprouvent de rattacher leurs actes aux catégories du juste et du bien. Penser que la nounou est satisfaite de son (triste) sort de dominée permet à l'employeuse de pacifier sa conscience morale. Elle s'accroche à ce raisonnement pour échapper à une contradiction morale insupportable : comment admettrait-elle qu'elle profite de la force de travail d'une personne défavorisée ?
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L'enfant "français" n'est pas né par hasard, il est un enfant désiré par sa mère et non accidentel. Il ne faut pas croire, pour autant, qu'il serait le résultat de l'enracinement de la migrante dans la société française, la preuve de son "assimilation", du consentement à rompre avec sa vie d'avant l'émigration. Pas plus que les enfants africains de la nounou, cet enfant "français" n'échappe aux logiques économiques et familiales : il est en fait supposé permettre à la nounou d'inscrire dans la durée le pont économique, virtuel, qu'elle a construit entre la France et la Côte d'Ivoire. Le projet à long terme de la nounou est de retourner à l'âge de la retraite en Côte d'Ivoire pour faire construire dans le village de ses parents une maison "dure" en parpaings et ciment. Elle compte alors sur l'appartenance de son enfant à la société française pour perpétuer le système des mandats et, par-delà, l'ensemble du système migratoire. En cela, la nounou s'approprie certaines stratégies masculines apparues dans les années 1980, période d'expansion de l'immigration africaine subsaharienne en France. Les hommes africains migrants ont alors cessé de demander à bénéficier des mesures du regroupement familial, préférant rester seul et choisissant parmi leurs enfants nés en France et élevés dans les valeurs traditionnelles du respect des "vieux", celui qui, bénéficiant d'un bon niveau d'études, pourrait accéder à une situation professionnelle suffisamment avantageuse pour assurer des revenus à ses descendants et permettre à son ascendant de retourner au pays. Comme les hommes migrants, les nounous s'assignent le devoir, c'est un leitmotiv de l'immigration ivoirienne, de réussir en France et de rentrer mourir en Côte d'Ivoire.
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Les nounous sont choisies par leur groupe. Le projet d'émigration économique des femmes est élaboré dans le contexte social et culturel abidjanais et s'inscrit dans des représentations collectives particulières, notamment en ce qui concerne le genre et le rang social. Dans leur itinéraire, les nounous questionnent ces représentations mais restent prises dans un paradoxe : pour gagner en autonomie et en dignité en Côte d'Ivoire, elles partent en Europe travailler comme domestique, alors même qu'elles considèrent ce travail comme dévalorisant en soi et que, grâce à leurs ressources sociales locales, elles s'étaient partiellement affranchies des tâches domestiques à Abidjan. Il s'agit en quelque sorte d'une progression par la régression : la servilité dans l'émigration devient le gage de la possible émancipation à domicile. Ce paradoxe de la nounou peut être généralisé à l'échelle mondiale : les femmes sont désormais suffisamment affranchies pour faire comme les hommes et partir seules travailler au bout du monde, si ce n'est que les empois qu'elles y trouvent les rabattent sur la conception sexiste et patriarcale de la femme comme naturellement (liée au monde) domestique.
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L'enjeu principal de mon enquête est de saisir le fonctionnement de la relation contrainte et asymétrique entre deux femmes, l'une étant favorisée et l'autre désavantagée. La relation est contrainte car seule la nécessité la fonde : la nounou n'a aucune vocation pour ce métier ; l'employeuse n'ouvre sa porte à une étrangère que parce que faire garder son jeune enfant à Paris est difficile.
Ma réflexion s'inscrit dans le cadre plus large des théories du care, qui mettent l'accent sur l'importance des engagements réciproques des acteurs sociaux plus que sur l'autonomie du sujet. Elles montrent que, pour conserver, améliorer, réparer le monde commun, le schéma dominant à ce jour, qui valorise un sujet rêvé comme rationnel et détaché de tout contexte historique ou social, est inapproprié. Pour que ce monde commun fonctionne, les sujets sensibles tout autant que rationnels, doivent s'engager les uns envers les autres et se trouver réciproquement responsables. Ils doivent ainsi reconnaître la dépendance, voire la vulnérabilité, comme la condition élémentaire du sujet social. Toute diplômée et bien rémunérée qu'elle soit, l'employeuse ne parviendrait pas à réaliser son désir de réussite familiale et sociale si, dans son ombre et sous son autorité, la nounou ne travaillait pas pour elle.
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À une situation professionnelle presque secrète – ne s'effectue-t-elle pas au cœur du domicile, que la loi déclare inviolable ? –, le droit, et notamment la norme du salaire minimum, ne s'applique que partiellement. Au cours de l'enquête, les familles employeuses autant que les nounous ont confirmé ce point. Le plus souvent, la famille propose un salaire mensuel global et des horaires quotidiens, sans que le premier soit scrupuleusement calculé en fonction des seconds. Dans la déclaration d'Urssaf, la famille employeuse minore le nombre d'heures effectuées en sorte qu'il corresponde au salaire versé. Au bout du compte, le tarif horaire de la nounou est très souvent inférieur au salaire minimum légal, et cela d'autant plus facilement que la convention collective, très favorable aux employeurs, établit une étonnante distinction entre les heures de "travail effectif" et les heures de "présence responsable" effectuées par l'employée, ces dernières n'étant rémunérées qu'aux deux tiers du salaire minimum légal.
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Vidéo de Caroline Ibos
Retrouvez les Grands débats de la 3ème édition du festival de Mediapart.
Premier débat : Ce qui (nous) arrive : l'anti-intellectualisme en campagne avec Edwy Plenel, président co-fondateur de Mediapart, Eric Fassin, sociologue et Caroline Ibos, maîtresse de conférence en science politique à Rennes II.
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