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Citation de lolitajamesdawson


Tu crois pouvoir brûler tous les feux rouges et t'en sortir indemne. Toute expérience est bonne à vivre, penses-tu. La vie se chargera de te contredire.

Mon quotidien n'avait aucun intérêt, je me le répétais sans cesse. Mon corps était un boulet. Mon cerveau me tourmentait. Je ne parvenais pas à exprimer ce feu confus qui me consumait.

Tu restes assise des heures à réfléchir sans trouver une issue à ton mal-être. L'air de rien, ton corps de gamine s'est arrondi. Un jour, tu te regardes dans la glace et tu vois une grosse, tu deviens obsédée par l'idée de maigrir. Tu fais des pompes dans ta chambre pour perdre du poids, tu te pèses chaque matin en notant sur un graphique les kilos, tu manges le Nutella à la cuillère avant de te faire vomir. Cela me semble une telle méprise aujourd'hui. Tes courbes ne sont pas des excès qu'il faudrait infléchir ; tu t'arrondis car tu deviens une femme.

Quinze ans, c'est un enfant de cinq ans ; fois trois.
Quelqu'un qui pleure constamment en toi.

Je cherche désespérément ta trace. Étrangement, tu sembles chercher également la mienne, comme si tu m'attendais.

Je t'en veux d'avoir fait une crise d'adolescence aussi morbide. Je t'en veux de ne pas avoir trouvé d'autres moyens de t'exprimer que l'autodestruction. Je t'en veux d'avoir lâché notre corps comme si c'était un étranger. Je t'en veux profondément de m'avoir fait vivre une errance dont je mettrai des années à me remettre. Parce que tu ne sais pas tout, encore.

Tes carnets ne sont que l'écume pour tromper le monde. Une mise en scène pathétique pour te donner un rôle, quand tu restes lestée dans les bas-fonds. Je dois m'ancrer autrement, ou plutôt m'encrer. Je cherche, je cherche... Je cherche ces mots qui te sont restés dans la gorge et m'oppressent encore, trois décennies plus tard.

Je ne peux pas réécrire l'histoire, pas celle-là. Tout ce que je peux faire, c'est t'insuffler un espoir : n'oublie jamais, aux heures les plus sombres, que tu vas t'en sortir.

Quand on touche le fond, il paraît qu'on ne peut pas tomber plus bas. Pourtant, tu as longtemps chuté d'un fond vers un autre fond.

Tu te souviens de ce sentiment de liberté qui t'a étreint en arrivant à Londres ; puis de l'amertume en rentrant à Paris : tu t'étais sauvée de France pour exister, avant de devoir fuir l'Angleterre pour te sauver.

Pourtant, tu n'as pas l'impression d'exister. Tu te sens transparente, piégée à l'intérieur d'un fantôme que l'on prend pour toi. Tu traînes ce corps qui n'est pas le tien. Il t'étouffe. Ce n'est pas une chose dont tu peux parler avec les autres : ce sentiment de ne pas exister. C'est indicible est incompréhensible.

Pourtant, de nombreuses personnes flottent au-dessus de leur vie. Certaines traversent ainsi toute leur existence sans être réellement elles-mêmes. Pour toi, c'est encore plus compliqué ; tu ne flotte pas seulement, tu es piégée à l'intérieur. Tu ne sais pas comment sortir de toi.

Adolescente, tu ignorais que tu ferais ce choix de femme : ne pas enfanter. Non pas refuser de faire des enfants, mais de désirer vivre autrement.

À toi, aujourd'hui, pas de mensonges : toutes les femmes n'enfantent pas et toutes les femmes qui enfantent ne parviennent pas toujours à être mères. On ne devient pas femme simplement en perdant sa virginité ou en procréant. Si les sillons de ta route se sont formés dès l'enfance, ton identité de femme se construit pas à pas. Et personne, pas même une mère, ne peut la transmettre en cadeau. Et si la transmission à la solidarité féminine commencer avec soi-même ? De la femme qu'on est à la fille qu'on a été.
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