Hier soir, elle était déjà prête au-dessus des toits, les lanternes rousses y projetaient leur lueur, et cette nuit, elle s'est laissé descendre doucement - la neige. C'est la première neige de la nouvelle année, c'est la première neige du nouveau siècle - une neige qui régénère le monde. C'est aujourd'hui le Nouveau Siècle - hier le Siècle Dernier est parvenu à son terme. Cent années étaient passées. Un ballon bien gonflé, d'où cela s'écoulait, s'écoulait - finalement vide. Un vieux cordage usé, tout neuf il y a cent ans. C'est ainsi qu'ils plongent dans l'eau quand les navires vont à l'ancre, tu y assistes debout dans les roseaux, tu les vois descendre, ils touchent l'eau, ils brisent l'eau, et elle se referme... mais un jour, tu le sais, on les hissera de nouveau vers la lumière, et les navires quitteront de nouveau le port sous un soleil printanier - le siècle dernier est englouti pour toujours.
La neige s'étale par plaques sur le sol, la neige grimpe collée aux façades... et c'est tellement silencieux... et toute vie semble s'être retirée : c'est l'après-midi, c'est le Nouvel An. Et elle marche seule. La bonne est allée ouvrir, la porte s'est refermée et David était dans la maison, et dans une demi-heure elle y repassera. Et maintenant les échos meurent et elle se tourne vers ce qui lui est propre - ainsi qu'on tirerait de son obscurité un objet strictement personnel, recelé à l'insu de tous dans une petite boîte... cette chose qui lui est propre, ce secret, c'est de passer devant la maison, et ce sont les pensées.
Elle marche jusqu'au bout de la ruelle basse, sur la digue et dans l'odeur de neige. Cette odeur, ce sont les champs qui l'exhalent, c'est le vent qui l'apporte au-dessus de l'eau.