Cat Patrick

Nous allons le revoir maman.
Tout en parlant ,je me laisse submerger par le souvenir de sa venue à Noël prochain. Je me rappelle même que mes parents suggéreront en plaisantant de l’empêcher de s'approcher du sapin. Comme je me rappelle le merveilleux rire chaleureux de mon frère.
-Il va bien? ajout-elle en baissant encore la voix comme si elle avait peur de la dire tout haut.
Je hoche la tête avant de répondre :
-Oui
-Comment le sais-tu?
Je m'approche pour la prendre dans mes bras.
-Parce que je m'en souviens, lui dis-je dans un murmure.

Il est 2h39 du matin.
Mon cœur bat à tout rompre, je suis moite de sueur.
Et je me sens impuissante.
J'allume la lumière, attrape mon stylo et, à la fin d'une très, très longue note sur les garçons, les ténèbres, les adultères et les mensonges, j'ajoute ces quelques mots :
ce n'est pas mon père.
Puis, sans savoir comment, je parviens à me rendormir.

Le vendredi est bien censé être un jour super, non?
Pourtant celui-ci a franchement mal commencé. Le mémo sur ma table de nuit ne m'a servi à rien, je n'arrivais pas à ouvrir les yeux. Mon jean préféré était au sale et il n'y avait plus de lait dans le frigo. Pire encore : mon portable était mort, celui à la coque rouge et brillante, qui contient mon agenda et me signale les choses à ne pas oublier. En un mot : mon doudou.

- Je ne supporte pas de rester loin de toi, chuchote-il lorsqu'il reprend son souffle.

Chaque fibre de mon être sent que nous courons un grand danger; j'ai commis une erreur. Le type mâchonne un cure-dent, qu'il fait passer d'un coin à l'autre de sa bouche. D'instinct, Luke s'interpose pour me protéger. L'homme n'est qu'a quelques mètres de nous.
-Partons! dis-je en chuchotant,morte de peur.
Je tire Luke par la main en reculant. Sans prévenir, l'homme sort un revolver de sa veste.
À cette image je réprime un frisson, et ma mère se rapproche tout contre moi. Mon portable vibre, m'annonçant l'arrivée d'un texto-je n'ai pas besoin de regarder pour savoir qu'il vient de Luke.
-Continue ma chérie, m'encourage-t-elle.
-Je lui raconte que l'homme braque son arme sur nous sans trembler. Un assassin avec un revolver, quoi de plus logique? Comment avons nous pu être aussi stupides?
-Je ne peux pas vous laisser repartir maintenant, n'est ce pas? lance -t-il en plissant ses yeux noirs.
Il s'approche sans baisser son arme. Pressentant sans doute ce qui va arriver, Luke ce conduit en héros. Ou en idiot. Il me lâche la main et me pousse vers la sortie de l'impasse en hurlant:
-Cours, Lili!

Une vague question me titille : quelle heure est-il ? La question flotte, puis file, chassée par une pensée beaucoup plus merveilleuse ... Je crois que je suis en train de tomber amoureuse. Non, j'en ai la certitude. Je suis tombée amoureuse de Luke.
Je ferme les paupières pour apprécier cette nouvelle pendant une seconde. Pendant quelques secondes. Pendant un long moment.
Oh, non ... oh, non ! Non non non non non !!!
Impossible ! Quelque part dans les tréfonds de ma conscience, je réalise que je me suis assoupie. Je plonge dans les recoins de mon esprit endormi à la recherche du mémo que j'ai oublié de rédiger. Il n'est pas dans mon sommeil, il ne sera pas là à mon réveil.
Il n'y a rien de noté.
Il n'y aura pas de souvenir.
Luke aura disparu.

Je passe le reste du cours à essayer de me défendre du mieux possible pendant ce " jeu " cruel , qui devrait être interdit dans tous les lycées du monde. Il se résume en deux mots : souffrance et humiliation.
Il explique cet avertissement dans mon mémo - avoir l’œil dès le début du cours de gym. C'est l'enfer sur terre. C'est la balle aux prisonniers.

Je me rappelle le futur.
Je me rappelle le futur et j'oublie le passé.
Mes souvenirs, mauvais, ennuyeux ou bons, restent à vivre. Ainsi, que ça me plaise ou non - et je peux vous dire que ça me plaît pas -, je me souviendrai de cette scène dans le cimetière jusqu'au jour où je la vivrai, de ces silhouettes noires entourées de pierres tombales jusqu'au jour où je me trouverai parmi elles. Je me souviendrai de l'enterrement jusqu'à ce qu'il ait lieu...jusqu'à ce que quelqu'un meure.
Et après, je l'oublierai.

Mémo du dimanche 30 janvier

Tenue:
-jean délavé
-sweat-shirt rouge

Lycée:
-penser à prendre mon livre pour le cours de littérature
-relire mes d'espagnol avant le contrôle
-acheter un manuel de préparation au SAT

Important:
-Jamie: refuse toujours de m'adresser la parole. Solliciter son aide pour retrouver mon père (relire les anciens mémos et étudier le contenu de la grande enveloppe dans le tiroir du bureau). Réfléchir aussi au moyen de mettre un terme à son histoire d'amour glauque.
-Maman: voir la grande enveloppe évoquée ci-dessus.
-Luke: PETIT COPAIN CANONISSIME! [...] Ah oui: il conduit un minibus, ne pas s'étonner.

- Je me demandais comment tu faisais, finit-il par lâcher.
- Comment je faisais quoi ? dis-je, complètement décontenancée.
- Comment tu te souvenais de moi, cette fois...C'est vrai, j'ai réussi à te coincer une ou deux fois, en parlant d'un truc que tu avais oublié, mais la plupart du temps, tu semblais...normale. Tu semblais me reconnaître.
J'écarquille les yeux : il est au courant. Luke est au courant. L'espace d'une seconde, j'en éprouve presque du soulagement. Je n'ai pas à travailler autant, je n'ai pas...Stop! Luke sait ? Alors, je comprends.
Depuis quatre mois, le garçon qui se tient devant moi me ment. Il ne vaut pas mieux que ma mère. Y a-t-il une seule personne honnête dans ma vie ? Le soulagement a cédé le pas à la fureur : mes épaules s'affaissent, le sang me monte à la tête, mes oreilles se mettent à bourdonner. Mon cœur tambourine, j'ai du mal à parler.

- Mmmm ... Attends une seconde, Lili.
Il récupère son portable sur la table de nuit, puis, libérant le bras coincé sous ma nuque , tape un message à toute vitesse, qu'il envoie aussitôt. À peine une seconde plus tard, mon téléphone se met à vibrer, m'avertissant que j'ai reçu un nouveau texto.
- Qu'est-ce que tu as écrit ?
- Que le garçon qui dort dans ton placard est ton petit copain. Qu'il t'aime et qu'il te racontera tout ce qui est arrivé hier soir.

Une idée originale, pleine de fraîcheur et savoureuse. C'est un livre qui cache derrière un thème assez poignant une histoire d'amour aussi légère qu'un baiser volé .. On reste marqué par le livre, on pleure, on rit, on s'attriste et on tombe amoureuse. Je le conseille vraiment à tout le monde. Pour moi c'est un livre qu'il faut lire car j'ai beau eu chercher, je n'en ai pas trouver d'autres comme lui. Cette auteur à fait un coup de maître avec son récit !

- Tu te sentiras mieux après une bonne douche, ajoute-t-il.
Comme si une douche allait me laver de toute cette douleur.

- Je ne sais plus ce que je fais, dit-il d'une voix blessante, je ne sais même plus si je t'aime ou si je te hais.

Ne pas s'enfermer dans le chagrin, avancer quoi qu'il arrive.

A un certain stade, tu dois accepter la mort et être contente de ce que tu as au lieu de pester contre ce que tu n'auras plus.

Un amoureux sublime, fidèle, qui m'a aidée à comprendre que la normalité était une chose à laquelle on accordait bien trop d'importance.

- A un certain stade, tu dois accepter la mort et être contente de ce que tu as au lieu de pester contre ce que tu n'auras plus.
- Mais tu n'as même pas dix-huit ans, c'est un peu jeune pour renoncer.
- Je ne renonce pas. J'accepte mon destin, c'est tout.
- C'est de la faiblesse, dis-je entre mes dents. [...]
- Non, la plus grande force, c'est de savoir lâcher prise, déclare-t-elle. Tout le monde doit mourir un jour et mon heure à moi est venue.

Ne pas avoir envie de mourir est très différent d'avoir peur de mourir.

Il n'y a pas un jour où Audrey ne me manque pas. Pas un rire que je n'aie envie de partager avec elle. Mais ce manque n'a rien à voir avec l'étau qui étouffait mon coeur les premiers temps. Je sais que je ne serai plus jamais la même mais je me suis bricolé une nouvelle vie avec des moments de bonheur et une vraie foi dans l'amitié. Une vraie foi en la vie. Que je dois à Audrey. Alors au lieu de pleurer lorsque je pense à elle, je lui parle, je lui fais des playlists, j'écris sur mon tableau noir tout ce que j'aimais chez elle. Et pour lui rentre hommage, j'ai même liké Jake Gyllenhaal sur Facebook, son acteur favori. Mais je me suis aussi fait de nouveaux amis. Pas des virtuels mais des amis de chair et d'os. Parce que de tous les moments partagés avec elle et parce qu'elle me l'a écrit dans sa dernière lettre, j'ai retenu ça : ne pas s'enfermer dans le chagrin, avancer quoi qu'il arrive.