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Citation de julienleclerc45


Il prononçait le « h » comme si c’était une consonne au son âpre. Tout en la photographiant, il lui posa des questions. Elle dit qu’elle avait dix-huit ans, était étudiante et avait trois petits frères, que sa mère était professeur d’histoire et son père ingénieur. Elle apprit qu’il était récemment arrivé d’orangeraie – en Algérie, précisa-t-il en remarquant l’incertitude dans les yeux d’Ève. L’éclairage ne le satisfaisait pas : il souhaitait la photographier à l’intérieur, dans l’espace plus vaste devant les ascenseurs. La politesse de cet homme inspirait confiance, et la confiance était plus noble que la peur. Elle le fit pénétrer dans l’immeuble. La lumière des néons était trop dure, trop crue. Au bout de cinq minutes il préféra aller dehors. Elle le suivit à nouveau. L’appareil crépitait. Il voulut savoir de qui elle tenait ses yeux bleus : de sa mère bretonne, dit-elle. Tandis qu’il tournait autour d’elle comme un tigre patient autour de sa proie, reculait, appuyait sur le déclencheur, elle pensa à la plage sauvage à l’extrémité du Finistère où la baignade était interdite à cause des courants. Chaque fois qu’elle sortait de cette mer violente après avoir laissé tournebouler dans les vagues, elle se sentait belle, débarrassée de sa peur de l’échec, « douée pour le bonheur », comme aurait dit sa mère, lectrice de Simone de Beauvoir. N’était-ce pas cette Ève intrépide qu’elle venait de retrouver en laissant un Arabe sans abri photographier devant chez elle à deux heures du matin ? Le froid humide rentrait par le col de son blouson. Une chape de fatigue lui tomba dessus. La nuit serait courte.
"Je suis fatiguée.
— J’ai fini."
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