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Critiques de Cécilia Gabizon (1)
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OPA sur les Juifs de France : Enquête sur un ..

En appelant le 19 juillet 2004 les Juifs de France à émigrer « immédiatement » en Israël, Ariel Sharon avait provoqué un beau tollé. Pointant du doigt « l'antisémitisme galopant » qui serait réapparu en France, il invitait la communauté israélite forte de 500 000 membres à réaliser l'alya, littéralement la « montée » vers Sion. Deux jeunes journalistes du Figaro et de Radio Shalom se sont penchés sur ce phénomène enquêtant non seulement sur l'offensive de charme lancée par Israël vers ces Juifs de la diaspora — comme le laisse augurer le titre trop réducteur de leur livre — mais aussi sur les malaises de cette communauté dans un pays soupçonné de « pro-arabisme ».



Qu'Israël ait intérêt à attirer les juifs de France n'est pas difficile à comprendre. Depuis les origines, Israël se pense comme le havre de tous les juifs, quels que soient leurs origines, leur âge ou leurs qualifications — une politique migratoire aussi libérale, notons-le au passage, est unique au monde. Cette vocation messianique se double d'un impératif stratégique : pour demeurer majoritaires dans leur pays, les juifs d'Israël doivent attirer leurs coreligionnaires de la diaspora. Sans quoi le différentiel de fécondité — elle est de 4,5 enfants par femme arabe israélienne contre 2,6 pour les juives (p. 167) — les condamne à terme à une inexorable minorisation. Aussi encourager l'alya est-il devenu une priorité du gouvernement et de son bras armé, l'Agence juive. Organisme paramilitaire proche des services secrets, l'Agence s'est illustrée dans le montage d'opérations d'exfiltration de juifs : au Maroc en 1961, en Éthiopie en 1984, en URSS au début des années 1990. Séduire les juifs de France nécessite une autre approche et le livre nous montre comment l'Agence a changé sa culture traitant les candidats au départ comme des « clients qu'il faut cerner et séduire tandis qu'Israël est devenu un produit » qu'il faut vendre (p. 203).



La cible de l'Agence juive est cette communauté française, la deuxième au monde par le nombre loin derrière les États-Unis où vivent quasiment autant de juifs qu'en Israël (5,3 millions). Depuis quelques années, les juifs de France vivent dans la crainte d'une « nouvelle judéophobie » (titre du livre de Pierre-André Taguieff publié en 2002). Victimes d'un antisémitisme insidieux qui n'a pas besoin d'être violent pour blesser (les coups et blessures sont encore rares sans parler des homicides), la communauté juive se sent trahie par des intellectuels qui refusent de voir les maghrébins issus de l'immigration autrement que comme des victimes du racisme et par un gouvernement qui s'enorgueillit de mener une politique étrangère pro-arabe. Quelle soit ou non fondée, cette paranoïa conduit une partie des juifs de France à se replier sur eux-mêmes. Les auteurs décrivent cette minorité en voie de radicalisation qui se défie du traitement médiatique réservé à Israël (on se souvient de la polémique suscitée en septembre 2000 par la diffusion sur France 2 des images d'un enfant palestinien fauché par les balles de Tsahal), et qui, par réaction, n'a d'oreille que pour les médias communautaires et va même jusqu'à frayer avec l'extrême droite.



La moins paradoxale des conséquences de la montée des tensions entre communautés juive et maghrébine n'est pas en effet ce rapprochement contre nature entre certains juifs et l'extrême droite. Unis dans une commune appréhension de la menace islamiste, certains juifs et certains militants d'extrême droite sombrent dans les amalgames racistes et les théories du complot. Heureusement, ces dérives inquiétantes ne concernent qu'une minorité. Mais la communauté n'en connaît pas moins une vraie révolution en réaction au nouvel antisémitisme : historiquement ancrée à gauche, elle a viré à droite « avec N. Sarkozy comme idole » (p. 94).



Cette évolution interne s'est-elle traduite par une alya massive ? Les auteurs montrent que non. 2 415 Français ont émigré en Israël en 2004, 3 015 en 2005 alors que les instigateurs de l'opération « Sarcelles d'abord » espéraient 30 000 départs. Ces chiffres sont plus faibles encore si l'on prend en compte un important taux de retour : l'alya n'est pas toujours un chemin pavé de roses, la vie en Israël s'avère plus difficile que prévue et 3 immigrants sur 10 repartent avant cinq ans.
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