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Citation de Acherontia


— C’est une pleureuse ! Recule, Calame !
Toujours à l’aveugle, mes doigts retrouvent son poignet, alors que je le ceinture d’un bras, trop tard. La lampe met à jour la tête de l’adolescente, penchée sur ses genoux qu’elle tient serrés contre elle de ses mains. Ses cheveux retombent en paquet, masquant encore son visage.
— Ce n’est qu’une gamine, rétorque Calame, surpris, alors que je l’attire vers l’arrière.
Il manque trébucher, et me bouscule dans son élan.
Alors, son regard tombe sur sa précieuse tablette. Les courbes palpitent et se révoltent, le vert rassurant ayant viré depuis longtemps à un rouge vibrant de mauvais augure.
— Ce n’est qu’une…
Les mots de Calame meurent dans sa gorge, son souffle s’emballe. Tandis que je le maintiens contre moi, les sanglots se muent en clameur, et la voix d’Helena envahit nos esprits. Le désespoir s’immisce de nouveau en moi, tout comme je sais qu’il envahit Calame, telle une vague oppressante, implacable. L’air me manque, l’espoir, l’envie de vivre… Un tourment étranger me submerge, balayant toute pensée cohérente, une peur insidieuse et dévorante qui cogne dans mon cœur à le faire défaillir. Soudain, les murs me semblent plus près, bien trop proches. Ma main abandonne celle de Calame pour agripper mon col, espérant le libérer de son carcan qui m’étrangle, m’empêche de respirer. Les larmes d’Helena piquent mes paupières, je sens son chagrin se déverser le long de mes joues, ses pleurs se mêler à ceux de Calame, dont les jambes faiblissent sous l’angoisse et l’abandon.
Comme hypnotisé par le danger, la main de Calame persiste à fixer sa torche sur cette enfant qui n’en est plus une. L’esprit relève la tête, et dévoile un visage creusé par les siècles, témoin d’hécatombes et d’agonies qu’elle n’a jamais connues. Je sens ma volonté ployer, noyée par une fin que je sais proche. Face à nous, la bouche d’Helena s’ouvre sans fin, de plus en plus grand, vociférant ce chant de détresse, de malheur. Sa peau flétrie pend autour de dents trop longues, me soufflant tout désir, toute espérance. Et c’est désormais moi, qui me retrouve emmuré vivant dans mon propre corps, anéanti par la terreur d’un millier d’âmes, mon cœur sur le point de lâcher battant contre mes oreilles, m’assourdissant presque. Mes geignements se joignent à ceux de Calame, alors que nous tombons à la renverse, la torche rebondissant près de nous et tourbillonnant quelques secondes pour s’arrêter, ironie du sort, sur le spectre qui nous hurle toujours sa détresse.
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