Et l’idée de progrès qui sous-tendait cette mutation n’a pas pour autant été acceptée et partagée par tous, à toutes les échelles où la technique devait transformer le social. Bien des mobilisations, bien des silences et des isolements, bien des distanciations critiques ou artistiques sonnèrent la « complainte du progrès ». Bien des inquiétudes, contestations et controverses, sur les enjeux environnementaux, sanitaires et humains du modèle dominant de « modernisation », ont émaillé la période, préparant ainsi la montée en généralité d’une critique plus massive après 1968
cet ouvrage entend libérer le regard historien du cadrage discursif des acteurs « modernisateurs » dominants dans lequel il s’est trouvé pris dès l’immédiat après-guerre, et dont on trouve encore bien des traces, des schèmes de pensée ou, au contraire, des angles morts dans l’historiographie récente
redonner voix aux alertes sur les « dégâts du progrès », aux controverses et conflits autour de la modernisation », « mieux comprendre le gouvernement de la critique, c’est-à-dire les discours, instruments et stratégies qui ont maintenu ces critiques dans les marges
la perspective historiographique la plus féconde et passionnante qui s’ouvre avec une telle histoire des métabolismes de la « modernité » d’après-guerre, c’est celle de l’exploration des articulations entre la temporalité historique courte de trois petites décennies et la temporalité longue de la terre et de cette nature que les humains avaient tendance à considérer comme un cadre extérieur et impavide, sans fin et sans fond