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Citation de candlemas


Ceux qui savent s’observer eux-mêmes et qui gardent la mémoire de leurs impressions, ceux-là qui ont su, comme Hoffmann, construire leur baromètre spirituel, ont eu parfois à noter, dans l’observatoire de leur pensée, de belles saisons, d’heureuses journées, de délicieuses minutes. Il est des jours où l’homme s’éveille avec un génie jeune et vigoureux. Ses paupières à peine déchargées du sommeil qui les scellait, le monde extérieur s’offre à lui avec un relief puissant, une netteté de contours, une richesse de couleurs admirables. Le monde moral ouvre ses vastes perspectives, pleines de clartés nouvelles. L’homme gratifié de cette béatitude, malheureusement rare et passagère, se sent à la fois plus artiste et plus juste, plus noble, pour tout dire en un mot. Mais ce qu’il y a de plus singulier dans cet état exceptionnel de l’esprit et des sens, que je puis sans exagération appeler paradisiaque, si je le compare aux lourdes ténèbres de l’existence commune et journalière, c’est qu’il n’a été créé par aucune cause bien visible et facile à définir. (...)

cet état charmant et singulier, où toutes les forces s’équilibrent, où l’imagination, quoique merveilleusement puissante, n’entraîne pas à sa suite le sens moral dans de périlleuses aventures, où une sensibilité exquise n’est plus torturée par des nerfs malades, ces conseillers ordinaires du crime ou du désespoir, cet état merveilleux, dis-je, n’a pas de symptômes avant-coureurs. Il est aussi imprévu que le fantôme. C’est une espèce de hantise, mais de hantise intermittente, dont nous devrions tirer, si nous étions sages, la certitude d’une existence meilleure et l’espérance d’y atteindre par l’exercice journalier de notre volonté.

Cette acuité de la pensée, cet enthousiasme des sens et de l’esprit, ont dû, en tout temps, apparaître à l’homme comme le premier des biens ; c’est pourquoi, ne considérant que la volupté immédiate, il a, sans s’inquiéter de violer les lois de sa constitution, cherché dans la science physique, dans la pharmaceutique, dans les plus grossières liqueurs, dans les parfums les plus subtils, sous tous les climats et dans tous les temps, les moyens de fuir, ne fût-ce que pour quelques heures, son habitacle de fange, et, comme dit l’auteur de Lazare : « d’emporter le Paradis d’un seul coup. »

Hélas ! les vices de l’homme, si pleins d’horreur qu’on les suppose, contiennent la preuve (quand ce ne serait que leur infinie expansion !) de son goût de l’infini ; seulement, c’est un goût qui se trompe souvent de route. (...) tout mène à la récompense ou au châtiment, deux formes de l’éternité.

L’esprit humain regorge de passions ; il en a à revendre (...) ; ce malheureux esprit, dont la dépravation naturelle est aussi grande que son aptitude soudaine, quasi paradoxale, à la charité et aux vertus les plus ardues, est fécond en paradoxes qui lui permettent d’employer pour le mal le trop-plein de cette passion débordante. Il ne croit jamais se vendre en bloc. Il oublie, dans son infatuation, qu’il se joue à un plus fin et plus fort que lui, et que l’Esprit du Mal, même quand on ne lui livre qu’un cheveu, ne tarde pas à emporter la tête.
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