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Citation de Partemps


— Contemplez mon bonheur, incrédule ami, dit Sempronius en jetant un regard de passion indicible sur la beauté de sa femme qui tenait déjà un bel enfant entre ses bras.

Notre épicurien, touché, mais souriant toujours, murmurait tout bas l’hymne sentimental de l’excellent poète latin :

C’est l’heure favorable aux baisers ; la tempête,
Qui blasphème le ciel et fait trembler le faîte,
Invite les bons vins du fond de leur grenier
À descendre en cadence au conjugal foyer.
Car l’intime chaleur de l’âtre qui pétille
Sert à rendre meilleurs les pères de famille,
Et la foudre fera, complice de l’amour,
L’épouse au cœur tremblant docile jusqu’au jour.

— Le dénouement prouve en notre faveur, repartit décidément le jeune Grec, mais je vous dirai : Trouvez-moi une jeune cousine, que je haïsse d’abord, sans la connaître, aussi fortement que vous ; qui m’aime d’un amour romantique comme la belle Euphrosine vous a aimé, sans savoir si vous étiez même digne d’un soupir ; qui se sauve de son pays, qui se fasse passer pour morte, pour me donner toute liberté de jouer le fou selon ma fantaisie ; qu’elle devienne prêtresse, et qu’après m’avoir sauvé des griffes d’une vilaine confrérie de moines assassins, elle ouvre les portes de ma prison et me suive à travers les mers ; qu’elle sacrifie pour moi la dernière vanité d’une femme, c’est-à-dire sa beauté, et qu’elle se métamorphose en négresse et en sorcière pour me sauver ; qu’elle soit mille fois plus sorcière encore par le charme de ses regards, et qu’elle se jette dans mes bras, alors…

— Et alors, dit Sempronius avec un œil brillant de joie, alors vous épouserez, comme moi, l’idole de votre âme !

— Oui, dit Callias en riant, alors je serai peut-être votre homme, si je ne me suis pas d’abord pendu pour me punir d’être un tel fou que de vouloir me donner tant de peine, quand, pour jouir du même bonheur, je n’avais qu’à me laisser faire.

La jeune mère l’entendit, et, jetant un regard de tendresse sur son mari, elle dit avec une voix douce comme une musique :

— Chaque épreuve nouvelle n’est-elle pas une sanction de plus à l’amitié ? Souffrir les angoisses d’une heure, n’est-ce pas acheter à bon marché toute une vie d’amour ?
— Oui ! pour vous, ma belle Euphrosine, je voudrais être mort un millier de fois ! s’écria Sempronius avec l’éloquence naïve du cœur et en pressant cette noble beauté sur son sein.

— Oui, répétait Callias, en se pinçant la lèvre et avec un air de gravité comique ; à la bonne heure ! mais, au nom de l’Amour et de Vénus, encore une fois je vous le demande, pourquoi se donner tant de peine ?

1 Ce conte a paru pour la première fois en 1846, dans le feuilleton du journal l’Esprit public.
2 Éros et Antéros.
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