Cette première étape est extraordinaire parce que nous ne l'avons pas choisie. Elle est, pour nous, la première manifestation d'une providence que nous voulons éprouver et qui, jamais, au cours de l'année qui s'écoulera, ne nous fera défaut. Alors que j'étais déçu, le genou en compote et la fierté à terre, nous tombons par hasard sur une communauté bienveillante. Alors que nous étions noyés dans les préparatifs du départ, une occasion rêvée de prendre de la hauteur se présente à nous sous la forme de cette retraite inopinée. Chez les moines, et avec eux, nous remettons le voyage en perspective : nous ne partons pas pour enchainer les kilomètres ou battre un nouveau record. Les tours du monde, comme Pierre nous l'a bien rappelé, "tout le monde en fait".
Deux mois que nous sommes partis, et je suis encore pressé. Incapable de me voir en chemin : toujours besoin d'être arrivé, et une fois sur place, de repartir sans trop tarder pour vite arriver ailleurs. Tous les symptômes d'une perpétuelle fuite en avant. Je me résous finalement à voir en cet arrêt une invitation de la providence à inverser la tendance. Avancer progressivement, construire durablement, solidement. Je me répète que patienter, ce n'est pas mettre sa vie entre parenthèses. Qu'il me faut apprendre à vivre à un rythme différent, à ne pas garder les yeux rivés sur une montre, un compteur kilométrique ou un calendrier. Il s'agit de donner de l'épaisseur à chaque instant de mon existence, ici, à Tal Arboush. De mettre quelques jours à profit pour vivre plus posément, plus profondément, ouvrir les yeux et les oreilles. Vivre mieux, tout simplement, donc vivre plus.