Comment gérer la souffrance engendrée par une rupture amoureuse? En l’occupant, comme on occuperait un enfant:
On est dimanche, et comme tous les jours maintenant, j’écris et ma douleur fait du coloriage. Comme ça, elle me fiche la paix. Je lui ai donné des crayons de couleur, et même des feutres. Elle va s’en foutre plein les doigts, elle va s’en mettre partout, c’est pas mon problème. Je suis à portée de main de la mallette de peinture, s’il le faut. S’il le faut, je lui préparerais même de la pâte à sel. Pour qu’elle me laisse tranquille. J’en aurais pour l’après-midi. Je redoute le moment où elle voudra me montrer son dessin. Aucune envie de le regarder. Elle va m’obliger à le coller sur le frigo, sans quoi elle se mettra en colère. Et je devrai vivre avec un dessin triste aimanté dans la cuisine. [...] Elle se tient calme, c’est une douleur bien élevée.
Les enfants sortirent dans l'indiscipline la plus stricte, dévalant les quatre marches en pierre avant de se jeter sur leurs adultes respectifs tandis que certaines têtes-brûlées s'éloignaient en douce pour s'adonner à des trafics de billes ou autres échange de gros mots.
Le médecin, chimiquement pur de toute trace de sourire depuis le début de l'entrevue, procéda à l'examen silencieux du document. (...) Il était vieux et bourru, l'air sévère, comme s'il devait sa carrière à son antipathie. Jeanne fixait son attention sur les doigts du docteur qui allaient et venaient entre les pages. Ils étaient courts, épais, parcheminés et tachés de brun, alliance de tabac et de vieillesse. Elle se concentra ailleurs. L'idée que ces mains allaient bientôt ausculter sa fille était loin de l'enchanter.
- J'ai dit n'importe quoi à tout le monde, n'importe quoi.
- Tu voulais juste te protéger.
On se cache victime, on se cache coupable.