Je continue à peindre les livres. A chaque page, qu'elle soit d'un bréviaire, d'une bible ou d'un livre d'heures, surgit une femme au chignon roux. Je travaille à la feuille d'or pour que brillent les reflets cuivrés. On ne voit pas le visage. Le dos mince est tourné vers un pont qui s'enfonce dans un lac. Le ciel couvre les arbres de son drap bleu. Cette miniature peut ouvrir un texte, bien à l'abri dans une majuscule. Elle peut aussi scander des versets ou clore un chant. J'aime associer Juette au Cantique des cantiques comme à un traité sur la nature. Dans les années à venir, personne ne saura d'où vient cette silhouette. Mais peut-être que les livres survivront et que survivra, avec eux, l'image d'un chignon d'or tournée vers un pont englouti.