Le roman de fiction tire sa force de l'imaginaire de son auteur·rice et nous emporte jusqu'à la dernière page. Dans cette table ronde, l'animateur Samuel Larochelle tente d'explorer l'idée du roman comme voyage au coeur de soi avec les auteur·rice·s Vic Verdier, Maya Ombasic et Clara Dupuis-Morency. L'écriture peut nous mener très loin, vers de nouveaux horizons où la quête devient un terrain de jeu fascinant.
Avec:
Clara Dupuis-Morency, Auteur·rice
Maya Ombasic, Auteur·rice
Vic Verdier, Auteur·rice
Samuel Larochelle, Animateurrice
Livres:
Dans les mursL'Empire bleu sangSadie X
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« Sœurs, chacune prise dans son orbite, comme le e pris dans l’o, c’est l’explication la plus charitable que je peux fournir pour l’instant. Qu’il en aille ainsi ou autrement, je place tous mes œufs dans le même panier, dans le même œuf, pour ainsi dire, je veux pour toi un amour sans partage, sans la cruauté de la fratrie, et je me fous des théories sur l’enfant unique, je te veux démesurément aimée, il n’y aura personne qui courra après mon ventre avec un couteau, sauf peut-être ma sœur, encore et toujours, mais ne t’inquiète pas, ce jour-là, je n’aurai pas besoin de la nuit pour tordre l’acier de ma colère, je rugirai, je mettrai le feu aux champs, j’enragerai le ciel, tu verras de l’intérieur un magnifique spectacle de feux d’artifice, ce sera un bel incendie où brûlera enfin la douleur »
« J’étais prête pourtant à quitter tout ça. La thèse. J’étais venue habillée en veuve aux sabots d’or, des années, à construire un abri, à partir de rien, ou presque, à monter des murs, passer les fils, abattre les cloisons inutiles, à piocher, à plâtrer, et puis souvent à rester là, seule dans mon lit, alors que toute la maison me parlait, chaque poutre, chaque porte, chaque brin de carpette, et que je ne savais pas encore l’écrire, je la portais partout où j’allais, dans le métro, à Montréal, à Berlin, à Marseille, partout, à San Diego, à Londres, elle me demandait tout, elle me demandait de la créer, de l’inventer, de la nourrir à même toutes mes ressources, elle parasitait, tout, l’imaginaire, la symbolique, je la portais et j’habitais dedans, et plus l’air ambiant devenait pour moi vicié, plus je m’y réfugiais. »
Non, l'humiliation, elle vient par une très petite vie, si petite qu'elle est déjà là, parmi nous, déjà en notre vie, s'immisce chaque jour, nous colonise, devient une partie de nous.
Si l'on se fie à la majorité, c'est une vie si minime qu'elle n'a même pas sa place dans le règne du vivant. On utilise son nom pour parler de ceux qu'on veut déclasser de l'humanité. Des parasites, dit-on, de ceux-là. De vulgaires parasites.
Mais bientôt, le parasite rira le dernier. Sadie en est le témoin. Tous les jours, elle rejoint le laboratoire, elle rejoint son poste derrière le microscope et les fioles, et elle assiste, tous les jours, à la vie grandiose des virus.
Le microscope n'est plus un simple outil. En lui, elle s'étend, elle y plonge le regard, et, par le génie de la lumière réfractée, il redonne à son cerveau ce qu'il doit oublier à chaque instant pour attribuer au monde sa cohérence. Le microscope la redonne à un visible qu'elle doit sans cesse oublier pour vivre. Quand elle se relèvera, quelques heures plus tard, quand elle se redressera les vertèbres pour retrouver sa vie humaine, elle reprendra ce processus d'oubli, elle oubliera la vie qui l'accompagne, qui abonde autour d'elle et à l'intérieur, tout près et jusqu'à un lointain qu'elle ne peut pas même commencer à assimiler.
« La thèse prend forme, j’ai pour la première fois ce matin l’impression qu’un corps prend forme, un corps cohérent qui commence à se tenir. Une pensée commence à se digérer. Entrevoir la fin – même encore lointaine – soulève une certaine angoisse, ou une tristesse, je ne sais pas bien. Qu’est-ce qui me portera? L’écriture, je le sais. Mais il faudra réinventer toujours de nouvelles peaux, de nouveaux corps, sous des auspices temporaires. »
Virginia Wolf écrit, dans Three Guineas, que toutes les femmes devraient avoir accès à l'accouchement médicamenté, qu'il est injuste que seules les femmes riches aient cette prérogative. Mais c'est oublier que les femmes penseraient plus tard que la souffrance est féministe. Maitriser la douleur, c'est ce que veulent les femmes. C'est empowering. Moi je ne laisserai pas les médecins s'en sortir si facilement.
C'est tout mon corps qui a décide de quitter le langage propre. Il sait qu'il est contaminé, qu'il est habité. Il sait ce qu'il a à faire, mieux que moi. Il rejoint une langue d'avant les hiéroglyphes, d'avant l'idiomatique. Une langue de l'embryonnaire
On veut me provoquer, déclencher l'accouchement, avant que mon utérus ne se transforme en linceul. On veut me provoquer, on a peur que je me prenne pour Médée. Que j'ai idée de les protéger dans la mort. Moi je ne connais que l'attente, de ces enfants.