AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Bibliographie de Clarisse Picard   (1)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (9) Ajouter une citation
«Husserl, dans un texte de juillet 1935 tout à fait remarquable, reprend la question de la naissance transcendantale, afin de décrire le champ de l'éveil originaire. » II y décrit comment I'enfant originaire, dans l'accouplement de sa chair avec celle de sa mère, passe de la pure réceptivité à une vie dans le monde. Ces analyses décisives nous ont permis de mieux percevoir comment l'enfant s'incarne et s'individue au sein de la relation originaire de chair à chair avec sa mère. Cependant, il semble que nous n'ayons pas encore pensé le fait que, corrélativement, une femme qui donne naissance s'incarne et s'individue aussi dans la relation charnelle avec son enfant, quoique de façon asymétrique.
Commenter  J’apprécie          30
C'est ainsi que s'est progressivement constitué ce nouveau personnage de la tradition philosophique, la mère philosopbe, qui est le devenir de notre philosophie. Elle est celle qui, donnant naissance, crée de la différenciation, condicion de la culture et de la civilisation. Par son propre cheminement, elle se confronte aussi à ce qui lui est radicalement autre et se laisse transformer : si bien qu'une femmme qui pense à l'épreuve de l'enfantement est aujourd'hui à même, par ses changements individuels, de façonner les institutions nouvelles de l'ère post-patriarcale, d'une part, par ces transformations psychiques profondes dont elle est désormais plus consciente et, d'autre part, parce qu'elle a dévoilé les principes normatifs qui président à la subordination des fermmes, quelle subvertit à l'épreuve d'une pensée de l'enfantement.
Commenter  J’apprécie          10
La philosophie se redécouvre ainsi originairement comme philosophie de l'enfantement, elle reconnaît et fait siennes la richesse et la profondeur d'une pensée qui se laisse interpeller par le sens d'être du féminin à lorigine de toute naissance et qui reconnaît la femne qui pense en tant que mère comme sujet philosophe existant pour lui-même.
Ces transformations et cette renaissance de la philosophie à elle-même sous l'effet d'une pensée de l'enfantement sont porteuses de mutations sociales et institutionnelles. Car une femme qui traverse l'épreuve de 'enfantement vit des transformations individuelles profondes qui la conduisent à sacrifier un certain attachement aux idéaux du patriarcat et à l'unilatéralité des modes de pensée de l'ego, au profit de forces instinctuelles proprement féminines en faveur de modes de penser-être plus complets et plus vivants. En ce sens, les changements individuels soutiennent des mutations institutionnelles : une femme qui pense en tant que mère met, d'une certaine manière, en crise la posture de savoir et donc de pouvoir androcentré, qui se soutient de la seule référence au père, à la loi du père. Elle oblige la philosophie, les philosophes et leur institucion à souvrir et à faire leur un savoir nouveau, donc une sagesse nouvelle qui se soutient de la référence à la mère, de la loi de la mère, celle du Grand Cycle de la vie qui travaille au coeur de la chair de tous les êtres humains et les reconduit au mouvement vivant de la vie.
En ce sens, la tâche de la philosophie, redécouverte en son geste inaugural comme philosophie de l'enfantement, est désormais de reconduire chacue etre humain au mouvement vivant d'incarnation et d'individuation de soi. Cela passe nécessairement par une égalité d'accès des filles et des garcons, des femmes et des hommes, à la vie symbolique. L'enjeu est la co-naissance, qui est une reconnaissance mutuelle de la singularité de chacun au sein de relations differenciées dans un monde sensé, parce qu investi et partagé.
Commenter  J’apprécie          00
Le retour à la genèse grecque de notre civilisation, dans on double héritage mythologique (mûthos) et philosophique (logos), a ainsi mis en lumière I'impossibilité de penser le féminin, la femme / les femmes, la mère / les mères à l'origine du monde et de la philosophie, tandis que la Terre-Mère se présente comme une instance de substitution de reflrence pour la philosophie, instance que les fernmes imiteraient (mimesis) dans l'enfantement. Ainsi, pour les Grecs, tout ce qui nait, naít de l'intellect (noûs) que les hommes ont en partage avec les dieux, ou de la Terre-Mere (physis) que les fernmes, terre-champ (nature) ou terre-matière (artéfact), imitent dans la procréation. C'est ainsi que, depuis l'Antiquité grecque, la procréation biologique est métaphore de la fécondité de la terre et de la pensée, tandis que la terre et, plus encore, la pensée sont le paradigme de la procréation et de la création. Or ce processus d'oubli, de déni ou de refoulement du féminin, de la femme / des fernmes, de la mère / des mères poursuit des fins éminemment sociales et politiques : il fonde la métaphysique, en même temps que le patriarcat, par une triple opération qui consiste à matérialiser la femme, à l'évincer de l'origine, enfin, à la réifier au statut de "machine", Et l'on voit que ce processus est encore très actif et très actuel. C'est ainsi que, depuis toujours, la philosophie manque la mère, à moins que ce soit justement ce que le philosophe veut taire !
Commenter  J’apprécie          30
Si l'on regarde l'important développement des sciences positives, I'idée d'une crise des sciences ne concerne ni leur rigueur méthodologique ni leur réussite continue, mais plutôt, et c'est sur ce point qu'Husserl attirait déjà I'attention au début des années 1930 une compréhension de la science réduite à une seule science des faits. Husserl parle alors d'une réduction « positiviste» de la science, au sens d'une réduction de la science à la seule connaissance des faits. Husserl semble signifier, par cette critique, que les sciences en général - les sciences de la nature (sciences du corps), tout autant que les sciences de l'esprit (sciences humaines ou sciences de l'homme) - sont polarisées sur l'étude des faits au détriment d'une attention portée à la subjectivité du chercheur, ainsi qu'au sens inhérent aux faits eux-mêmes, qui sont toujours à l'oeuvre en toute démarche scientifique.
Cette analyse expliquerait en partie pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation tout à fait paradoxale relativement à notre rapport aux sciences en général et à celles liées à l'enfantement, en particulier.
Commenter  J’apprécie          00
L'emploi de ces occurrences de la Terre-Mere doit, à ce titre, nous rendre attentifs au contenu des discours écologiques contermporains qui en appellent à nouveau à une référence explícite à la Terre-Mère : ces discours contribuent-ils, et jusqu'ou, à une authentique reconnaissance de l'intelligence et de la puissance génitrice des fernmes, sans les réduire à cette potentialité (fernme-nature) et sans les instrumentaliser (femme-artéfact) ? Contribuent-ils à un réel renouvellement du rôle et de la place des femmes dans la víe de l'esprit et de la cité, tout en permettant qu'elles ne renoncent pas à l'enfantement lorsqu'elles le désirent, le veulent et le peuvent?
Commenter  J’apprécie          00
Dès lors, une redéfinition des places de chaque genre d'être devient possible : une lecture renouvelée du Timée laisse voir clairement que si la khôra, qu'il convient de comparer à une mère, est I'un des trois genres ou modes d'être existant avant que le Tout soit formé et qu'elle est immortelle, alors, il va de soi qu'elle est et coexiste avec l'être absolu, éternel et immuable, qu'il convient de comparer à un père, dès avant la naissance du monde. Plus encore, en ce qui concerne leur rapport au devenir, Platon précise que « pour l'ensemble, ils [les éléments] demeuraient évidemment dans I'état où il est naturel que soit toute chose d'où le Dieu est absent (53b) ». Ce qui donne à concevoir par I'imagination que la khôra et l'être absolu sont et coexistent de toute éternité, et transforment le chaos initial en devenir, qu'il convient de comparer à un enfant. Or cette interprétation renouvelée est à même d'opérer une reconfiguration saisissante du monde : quel serait aujourd'hui notre monde si, au lieu des représentations métaphysiques qui soutiennent la subordination des femmes et leur maintien dans la seule matérialité de la maternité, nous avions construit un monde où hommes et femmes sont, coexistent et co-engendrent tout ce qui naît et advient, certes chacun selon son mode, autrement dit son mouvement propre– ce quil faudra encore préciser-, mais dans une évidente égalité de valeur quant à leur être, leur existence et leur sagesse?
Commenter  J’apprécie          30
Si j'ai choisi de consacrer ma recherche à cet objet précis, c'est parce que le devenir de la subjectivité maternelle à l'épreuve de cette relation primordiale vaut la peine d'être pensé pour lui-même, précisément en raison de la nature tout à fait unique et particulière de l'enfant à naître, puis tout juste né, à savoir le fait qu'il soit un lchlos, c'est-à-dire un « sans moi » individué, différencié du moi maternel. Cette nature de l'enfant implique une radicalité dans l'expérience du devenir de la subjectivité d'une femme dans sa relation à un sujet en devenir auquel elle donne naissance par différenciation de soi, à partir d'un état premier d'indifférenciation, qui légitime un type de médítations philosophiques à part entière, dans I'horizon de ses enjeux éthiques.
Cette expérience éthique maternelle ne se laisse en effet pas confondre avec celle de l'individuation de sujets au sein de relations entre alter ego, bien que, par sa radicalité, elle pourrait donner à la penser à nouveaux frais.
Commenter  J’apprécie          40
Poursuivant cette visée, plus j'avançais dans mes lectures, plus m'apparaissait clairement la nécessité de repenser non pas tant la maternité que l'enfantement, nœud gordien où se noue justement le phénomène de la domination masculine. La maternité et, plus encore, l'enfantement, constituent, en effet, ce pouvoir exorbitant des femmes de donner nais- sance à des enfants des deux sexes, du même et du différent, si bien que leur corps est depuis toujours objet de maîtrise et de domination masculines, pour les raisons notamment mises en lumière par Héritier. Relever le défi d'une pensée féministe de l'enfantement, c'est précisément chercher les moyens de donner aux femmes la possibilité de se réapproprier le fait de donner naissance à leurs enfants et d'y trouver des leviers de transformations et de renaissances, à la fois personnels et institutionnels, à l'endroit même de la sujétion.
C'est pourquoi il est désormais temps d'ouvrir un nouveau moment dans I'histoire des pensées féministes en investissant philosophiquement la question du sens de l'expérience de l'enfantement, du point de vue des femmes, afin d'aller plus loin dans la recherche des leviers d'émancipation, là même où les femmes sont traditionnellement assujetties.
Commenter  J’apprécie          40

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Clarisse Picard (1)Voir plus

Quiz Voir plus

Le voyageur sans bagage de Jean Anouilh.

Quel est le nom de l'amnésique au début de l'histoire?

Georges
Gaston
Jacques

15 questions
958 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}