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Citation de batlamb


Précisons ici la suite des idées qui résume (…) ce qui tenait le plus au cœur de Proust, du moins en matière de philosophie : Je suis heureux quand j’éprouve quelque chose qui, étant en rapport à la fois avec le temps passé et le temps présent, n’est pas en rapport avec le présent qui passe – qui est donc sans rapport avec le présent et sa pauvreté (Baudelaire ici renchérirait : avec le réel et sa banalité).
L’erreur de Proust n’est ici pas tant de privilégier l’imagination aux dépens de la parution du réel – privilégiation dont il convient d’ailleurs lui-même de façon explicite : « Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce qu’au moment où je la percevais, mon imagination, qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle, en vertu de la loi inévitable qui veut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent » – que de prendre pour souvenir la simple apparition du réel, son « épiphanie », de prendre pour représentation seconde ce qui est en fait présentation première.
La « réminiscence » proustienne n’est pas un souvenir pour cette simple raison qu’elle ne reproduit aucune image. Un souvenir répète une présentation ; c’est en quoi d’ailleurs elle peut constituer, à la rigueur, une « re-présentation ».
Mais rien de tel dans les réminiscences évoquées par Proust. La réminiscence proustienne ne remémore rien parce qu’elle est précisément – et c’est là tout son intérêt – la première « représentation » du réel, c’est-à-dire sa présentation inaugurale, qui signale l’émergence d’un certain réel à la surface de la conscience. Lorsque Swann – pour s’en tenir à cet unique exemple – réentend le thème de la sonate de Vinteuil qui lui évoque le temps de ses premières amours avec Odette, il ne se rappelle pas, à proprement parler, l’intensité du sentiment qui l’a lié, et le lie encore, à Odette : il en prend simplement conscience. Il y a ici non pas souvenir mais saisie, aperception, découverte.
Le réel n’est pas revenu, il est arrivé. Il est dommage que Proust, si attentif à cette éclosion du réel à la surface de la conscience, ait cru devoir le congédier sitôt né, et ait fait reposer l’intimité de son bonheur sur sa faculté à l’évacuer.
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