Clotilde et Nicolas Noel parlent de son dernier livre "Risquer l'infini" pour Auréole !
Et surtout, surtout, ne pas se laisser dicter son bonheur : la joie est non seulement belle mais, toujours surprenante, elle est belle deux fois – elle est re-belle. Comme l’écrivait la poétesse Marie Noël, dont Marie est l’homonyme bienvenu : « La Joie vit d’air libre. La Joie a besoin de respirer… Elle est pour chacun à cette merveilleuse place ingouvernée, insoumise de l’âme, où joue, à sa manière toute neuve, un petit enfant désobéissant, sans s’occuper de ce que font autour de lui les grandes personnes bien ordonnées. »
Comment parler de handicap, de souffrance, de mort si l’on ne fait que les rejeter pour ne jamais s’en approcher ? Comment vivre dans un monde qui ne prend pas soin de l’autre, qui sépare les vivants en les mettant dans des sous-catégories, et qui de ce fait commet la grave erreur d’en oublier certains ? Ne pas mesurer qu’ils font partie d’un tout déstabilise l’équilibre de l’humanité : on la démembre. Comment vivre dans un monde où l’on décide de ne parler que le langage de la performance et de l’utilité, un monde qui croit grandir et qui ne fait que se replier sur lui-même ?
L'amour plus fort que la raison.
Nous sommes bien conscients que, si aujourd'hui nous faisons cette démarche à deux, nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve. Ce chemin à deux peut s'interrompre plus tôt que prévu. Et même si nous restons ensemble, chacun sera seul face à sa souffrance et aux difficultés qu'engendrera pour lui cette adoption. Bien qu'extrêmement complices et soudés, nous sommes très différents, nous n'appréhendons pas de la même façon les obstacles de la vie.
En allant vers toi, nous acceptons que tu sois différente et issue d'autres parents. Pourquoi notre accueil se limiterait à ta couleur de peau ? Encore une fois, nous expliquons que nous ne sommes pas là pour choisir un enfant mais pour accueillir celui qui a besoin de nous. Comme un cadeau finalement, on accepte la totalité. Pour toi c'est encore plus vrai. Peu importe ton sexe, ta couleur de peau, ton handicap, ce sera toi. Pour nous, aimer c'est prendre l'autre comme il est et non comme nous voudrions qu'il soit. Tu porteras notre nom, tu seras des nôtres dès ton arrivée.
La question du choix du sexe de l'enfant est récurrente.
Ces interrogations, à chaque fois très violentes pour nous, finiraient par faire croire qu'un enfant n'est là que pour satisfaire un désir. Quelle couleur ? Quel sexe ? Une fille pour maman ? Un garçon pour jouer au foot avec papa ? Et pourquoi ne pas aussi choisir la couleur de ses yeux et de ses cheveux ? Et alors surtout pas un enfant handicapé mais un enfant parfait qui corresponde à nos rêves ? C'est étrange, dérangeant même..
En France, les choses sont très codées. La fantaisie manque cruellement à l'imagination. On met des gens dans des boîtes. On leur attribue des étiquettes indécollables, des étiquettes qui rétrécissent la vie. Sans doute pour calmer ses peurs. On ne reçoit pas la personne comme elle est, pour ce qu'elle est. On la bloque dans la conceptualisation qu'on se fait d'elle. Cela réduit considérablement l'échange.
Sans être spécialistes nous savons qu'il y a une urgence à procurer une famille à un enfant abandonné.
Il nous apparaît rapidement que deux logiques s'affrontent.
D'un côté, les personnes qui s'occupent des enfants abandonnés espèrent que ceux-ci trouveront au plus vite un foyer. Et de l'autre, celles qui sont chargées d'évaluer l'aptitude des familles et qui n'ont jamais assez de garanties.
Avec l'amour, ce n'est donc jamais « trop » ! je suis persuadée que le cœur peut supporter bien plus que de raison. Avec l'amour on ne se fatigue pas, on ne se lasse pas.
Il n'y a pas de modération dans l'amour. A-t-on déjà vu de grands panneaux publicitaires affichant le slogan « Aimer... avec modération » ? C'est bien le seul excès qui permette d'accéder au plus grand bonheur.
Je perçois que c'est le début d'une belle aventure que l'on ne peut garder pour soi. Une aventure humaine incroyable qui nous poussera dans nos retranchements, nous obligera à laisser de côté toutes nos peurs, nos idées reçues, pour finalement extraire l'essentiel : se demander ce que nous faisons de notre vie et où cette vie doit nous conduire.
Tu était née dans mon cœur, il me semble depuis toujours. Dès l'âge de six ans, j'aspirais à l'aventure. Je rêvais de voyager, de vivre avec l'autre, surtout s'il était différent de moi. En grandissant, j'ai eu la certitude que chacun de nous devait construire au mieux son avenir pour les autres et avec eux.