Les paris de l'Art. Comment décrypter une oeuvre.
Mais qui peut dire qu'il se souvient vraiment et qu'il pense vrai ? Toute assertion devrait être indirecte, pondérée, nuancée, commencer par « Il m'apparaît » où « Il me semble ».
Les femmes n’étaient pas des proies, ni des butins.
Vivre, en somme, c'est toujours revivre, c'est retrouver le goût des conquêtes premières.
On ne comprenait rien ; c’était du chinois. On ne pouvait pas échanger, plus ratiociner, recourir au pouvoir des mots. Il n’y avait pas de langage possible : c’était nouveau. On devait s’en remettre aux seuls gestes, à ces mains orbes qui nous aplatissaient sur la table comme une limande, qui nous prenaient les épaules avec une puissance sans ménagement, qui jouaient avec nos pieds comme avec des osselets, qui équarrissaient notre résistance, nous faisaient viande, préféraient à la tendresse la tendreté.
L'oeuvre de Bourelle jouera un rôle majeur dans la mutations de la sculpture du XXe siècle. Héritier de Rodin - auprès duquel il appris la sensualité et la perfection du modelage -, il fut professeur de Giacometti.
Toujours, il se montra curieux d'expérimenter: depuis les premières œuvres réalistes jusqu'aux créations affirmant son goût de l'ordre et de la synthèse. Il sut accueillir la déformation intégrer l'accident et restituer le mouvement.
Il n’y eut pas de ver dans le fruit défendu du corps paradisiaque, de cause princeps, d’abîme originel. Il y eut une onde recouvrante, une houle venue de loin, oublieuse de la rive. Il y eut un vacarme silencieux, avec quelques essais de paroles — « depuis quelque temps, je », « c’est étrange, mais », « je ne comprends pas ce qui », « bizarrement, hier ». Avant le trou noir qui engouffrera la santé, avant le mal qui m’interdira bientôt de consentir à la possibilité du monde sans croix ni chimie, il y eut d’abord une destitution du connu.
Je suis en état de siège. Je rêve d’urgences hospitalières, celles dont me plaisent l’odeur d’excrément que ne dilue pas celle de la javel, la douceur des brancards et les néons inflexibles, les gueules cassées, les visages tristes, hagardement tristes, les membres amputés, les bandages, les tubes et les perfusions, toute cette principauté du cathéter où j’aimerais qu’une place me fût réservée, avec ma chemise repassée et mon cou parfumé, malgré cette tenue que je peux encore avoir en toute chose.
Mon corps m’incarne. Il me présente et me représente — en société, en réunion, en regard des miroirs. Il est mon effigie. Ce mot m’évoque « l’exécution en effigie », cette époque où, faute de mettre la main sur un criminel, les autorités inquisitoriales commandaient in absentia de pendre publiquement un mannequin de sorte que fût rendue une sentence fictive, mais non moins effective. Ce succédané de corps était le corps même, et l’âme même.
Je les écoute autrement, comme jamais, fort de la douleur qui élucide les cœurs et toujours reconnaît les siens. Je les écoute et j’entends leur foi dans le langage, dans cette parlure sauvage qui n’est pas une clameur ni une déclamation, un mugissement ou un aboiement, une grosse parole lancée contre la foule, mais un cri nu venu de l’exil, un brame qui, au milieu de la futaie des jours, permet de souffrir encore et d’encore se souffrir.
Il me faudrait désormais chercher le contrepoison, le moindre mal, la peste qui fait aimer le choléra. Je devrais non plus vivre mais durer, assurer ma pérennité, essayer de persévérer dans le vivant, parmi les vivants, dans cette vie palliative pleine de cognées et de saignées, de larmes grosses et de coups de dés, de meurtrissures, de séquelles et de tuméfactions, de stérilités et d’impuissances.