Le champ de pastèques d'Anton est presque un champ parfait sauf qu'il y manque cruellement la pastèque qu'on lui a volée ça en fait un champ borgne
Un champ amputé
Ce qu’il faut c’est une photographie mortellement précise
Ce qu’il faut c’est une cave de lumière
Ce qu’il faut c’est le fauteuil du père dans l’atelier
Ce qu’il faut c’est une petite brune aux yeux de tueuse
Ce qu’il faut c’est caresser un crâne brûlant sous des cheveux de nouveau-né
Ce qu’il faut c’est dire son amour aux morts comme aux vivants
Ce qu’il faut c’est un boomerang pas un punching-ball
Ce qu’il faut c’est continuer de ne tuer personne
Ce qu’il faut c’est l’image impossible du corps impossible d’un fils
Ce qu’il faut c’est un pli au coin des yeux de Mel
Ce qu’il faut c’est Richard Carson Harvey Marlon Louise Jamaica David
Ce qu’il faut c’est Dona Emilia qui se tient toute raide devant le portail rouge
Ce qu’il faut c’est Gina qui éclate de rire derrière ses verres épais
Ce qu’il faut c’est la voix d’Amy qui chante en boucle
Ce qu’il faut c’est le miel que fabriquent les femmes
Ce qu’il faut c’est aux solstices écartelés
Ce qu’il faut c’est la fenêtre grande ouverte
Ce qu’il faut c’est la torche de l’Etna
Ce qu’il faut c’est sans cesse
Ce qu’il faut c’est écrire la réanimation dans la disparition
Ce qu’il faut c’est toute chose fragile ou morte restée collée à la rétine
Ce qu’il faut c’est le temps suspendu
Ce qu’il faut c’est le chagrin des sans-dieu
Ce qu’il faut c’est la couche de neige tombée cette nuit sur le Vercors
Ce qu’il faut c’est les voitures de ceux qui rentrent chez eux
Ce qu’il faut c’est une zone d’encre et de goudron
Ce qu’il faut c’est une équation impossible à résoudre
Ce qu’il faut on ne sait pas ce que c’est
Ce qu’il faut on ne peut pas même s’en expliquer
Ce qu’il faut c’est faire ce qu’il faut
là où elle est née il n’y avait que du blé du maïs et du chanvre à perte de vue pas une colline pas une butte rien à l’horizon du plat de plat de plat avec pour seule fantaisie des rizières et des champs de betteraves pas de guingois ni d’escarpement rien qui soit forcé de grimper ou de sinuer pour sa survie tout en surface tout à l’horizontale avec plantées dedans bien drues les vignes hautes et droits en éventails les ormes en doubles rangées il n’y a plus tant d’arbres pour quadriller la terre aujourd’hui on ne voit plus la vigne grimper aux troncs des ormes leurs feuillages argentés n’envahissent plus le ciel on n’entend plus piailler ces feuillages oiseaux en haut de troncs énormes et les poussons plantés à leurs côtés prêts à leur succéder
D'habitude l'hiver
je range toutes les choses de l'été
dans un placard
mais pas cette année
Cette année j'ai laissé tout de l'été
rester avec moi
et Kid avec
même si des choses très crues peuvent être dites, on sent comment les sentiments ici doivent êtres manœuvrés avec beaucoup de délicatesse pour ne pas ajouter à la dureté de leur exposition. Cela donne un ensemble de textes que je vous invite vraiment à découvrir, qui laisse entendre une voix que je ne risque pas d’oublier, loin s’en faut, une voix capable de nous faire entendre ces bruissements, ces tâtonnements, ces effleurements entre les êtres, à travers tout ce qui peut nous séparer mais également tout ce qui peut nous rapprocher
J’ai commencé à tromper Amy aussitôt après notre mariage. Je ne sais pas pourquoi. Je draguais constamment, je ne sais pas pourquoi non plus. Malgré mon physique plutôt passe-partout je parvenais à coucher avec des femmes de tout âge, des filles, des femmes mariées aussi, cela n’avait aucune importance puisqu’elles n’avaient aucune importance. J’imagine donc que je n’avais aucune importance non plus, ni Amy. Ce serait une façon de considérer mon activité frénétique de la bite. Seule ma bite avait de l’importance
Utiliser quatre fois de suite le mot bizarre me fait perdre son sens. Il me semble maintenant que bizarre veut précisément dire insensé. Et insensé, fou
... leur peur est enfouie quelque part où je ne peux l'apercevoir quand la mienne pas plus que les morts ne veut disparaître.