Citations de Corinne Morel-Darleux (110)
Relancer le feu ; préparer trois tasses de chicorée. Celle de Jeanne, en porcelaine fine parsemée de hérons bleus, belle comme un vase. Celle de Stella, ébréchée et parcourue d'un fil de craquelure marron, maintes fois recollée. Enfin, ma tasse au bord doré; délicate et bourgeoise, décorée de fines roses en bouquets.
La revendication de l’argent et de la notoriété pour chacun remplace insidieusement le droit à une vie digne pour tous.
On doit contre-attaquer… Je vous propose de fonder le gang des chevreuils rusés.
Nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à ne vouloir renoncer ni au pessimisme de la lucidité, ni à la puissance de la volonté, ni au secours de la beauté.
Le refus de parvenir n’implique ni de manquer d’ambition ni de bouder la réussite. Juste de réaliser à quel point ces deux notions gagneraient à davantage de singularité : elles sont aujourd’hui normées par des codes sociaux qui n’ont que peu en commun avec les aspirations individuelle, ni d’ailleurs avec l’intérêt collectif.
Les sollicitations permanentes nous privent du temps simplement de s'écouter, en plus de s'émerveiller du monde.
C’en était fini pour moi de seconder le monde.
Si l’histoire de la Terre s’écrivait dans un livre de mille pages, la vie apparaîtrait à la page 185. […] Et Homo sapiens ne représenterait que quelques lignes tout en bas de la toute dernière page…
L'acte isolé, même démultiplié, n'a aucune chance dans un système dominé par les oligopoles et les lobbies, qui l'ont bien compris : eux ont tout intérêt à prôner ces petits gestes qui donnent l'illusion d'agir pour le bien commun sans bousculer l'ordre établi ni établir de réseau trop maillé. Je crains ainsi que le clic pétitionnaire, l'indignation partagée sur les réseaux sociaux, et même le panier acheté à l'Amap, pour être louables et sincères, s'ils ne sont pas reliés et vertébrés par un projet, ne fassent partie d'un monde où l'avenir de l'écologie oscille entre capitalisme vert, restrictions individuelles et survivalisme.
À trop viser de grandes victoires futures on en oublie de saisir celles qui sont à portée de main.
L'art sait depuis toujours qu'il existe une esthétique du chaos.
En littérature, c’est l’empathie qui amène à la réflexion et non l’inverse. Vous pouvez développez l’argumentaire le plus serré qui soit dans un livre, je doute fort que cela fasse changer quiconque d’avis. En revanche, donnez-nous un personnage à chérir, faites-nous partager son intimité, ses émois, ses douleurs et ses joies, et il nous sera bien plus aisé de prendre en compte son point de vue, à défaut de le partager.
Apprendre le pouvoir des mots et le plaisir de la lecture est sans doute le plus beau cadeau, la plus grande assurance de réconfort qu’on puisse offrir à un enfant.
Le véritable ennemi est celui qui sait, qui possède les leviers pour que ça change, peut choisir de les activer, et qui ne le fait pas. De manière délibérée.
Le refus de parvenir, c'est le dédain des distinctions sociales, c'est s’exonérer des démarches avilissantes, des promotions de tout ordre qui supposent un compromis avec soi-même et une compromission avec autrui.
Et on sait à quel point il faut beaucoup de volonté pour revendiquer davantage de rien. Il se traduit généralement par non-agir ou non-intervention, mais cela ne signifie pas pour autant rester les bras croisés en rejetant toute nouveauté, simplement de faire des choix éclairés et de ne pas forcer le cours des choses. Se fixer des limites, distinguer ce qui relève du progrès vers une vie bonne et décente de ce qui nous aliène, savoir ne pas est un art de vivre au quotidien.
Ouvrir un roman c'est échapper au temps, au lieu, aux petits tracas et grands malheurs du présent. C'est l'arme ultime contre la solitude. Dans ces quelques grammes de papier, il y a toujours un personnage pour vous accompagner et distraire. Avec un livre, on n'est jamais seul.
Défendre le droit au rêve est aussi un combat social, et l'accès à la lecture devient un enjeu essentiel : celui de nourrir nos imaginaires, de s'affranchir du réel et d'activer nos vies intérieures, doublé d'une des plus belles et efficaces manières de changer de perspective.
La ville, je connais, j’ai grandi à Paris et je n’ai aucune envie d’y retourner ! C’est vrai qu’ici on n’a pas de vendeurs de marrons chauds l’hiver ni de vendeurs de glaces en cornet et pour l’été ce serait vraiment foxy. Mais je peux faire du vélo toute seule dans le village, j’ai enfin des chats à la maison (avant, dans l’appartement, mes parents ne voulaient pas), l’école est beaucoup plus sympa et surtout j’ai ma cabane dans les bois, alors franchement pour moi ici c’est le paradis.
Ma conviction est également que ce n'est pas au plus fort de l'urgence, dans n contexte de pénurie et de violence, que l'on organise des réseaux d'entraide, qu'on conceptualise un horizon de société, qu'on trouve un sursaut de dignité et qu'on se fixe des principes politiques.