Aujourd'hui chacun cultive le mou comme son potager. Le mou de la pensée, le mou de la parole, le mou des sentiments. Culture qui refuse le danger, la polémique, la révolte, le chiendent, qui recherche éperdument l'acquiescement. Celui qui protège, préserve, sécurise.
Le désaccord fait peur. Grand vent des tempêtes, désert, chute.
L'accord lui, renvoie à l'ordre des pantoufles, à l'ataraxie, à la tranquillité de l'âme, au sam-suffit des retraités de la bien-pensance.
Dali l'a prophétisé, c'est l'époque du super mou, "du gluant ignomineux et sublime". Après les montres molles, les tables de nuit molles, les cathédrales molles : la pensée molle.
A l'image du rentier s'oppose l'image du clown, de l'artiste, du philosophe-artiste, la figure de Buster Keaton, celle de l'Ubu primordial. La révolte des clowns opposée à la servitude des rentiers. Breton a tout compris, lui qui réclame "le non-conformisme absolu, l'irrévérence totale."
Finalement, l'esprit des grenouille est demeuré en nous et s'agite.
Qui parle dans nos plaintes, nos gémissements, nos lamentations ? Qui s'exprime dans cette mole et vaseuse inquiétude ?
La grenouille primordiale, pardi ! Celle qui lança, à l'aube du langage, le fameux "coâ, coâ" origine théologique de toute interrogation molle.
Quel est le but réel du mou ?
Apprendre aux hommes à se fuir car ceux-ci n'ont qu'une crainte : avoir conscience de ce qu'ils sont en réalité. Le moralisme ambiant exprime la peur de la vie, la peur du corps, la peur de la liberté;
De la haine de mai soixante huit naquit cette moralisation qui nous imprègne et nous glace jusqu'aux os.
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Ah le mou, le grand mou, le petit mou ! Encore, encore du mou. Du mou tout tiédasse, de la sensiblerie loukoumesque, de la guimauve pour tous. Je suis cool, je suis zen. Pas de révolte à l'horizon. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes mous possibles.
Le créateur est celui qui dévore ses larmes, se perd dans le labyrinthe, se dérobe aux regards.
Culture du mou
On connaît bien la culture des betteraves, on connaît mal la culture du mou. Aujourd'hui chacun cultive le mou comme son potager. Le mou de la pensée, le mou de la parole, le mou des sentiments. Culture qui refuse le danger, la polémique, la révolte, le chiendent, qui recherche éperdument l'acquiescement. Celui qui protège, préserve, sécurise. Le désaccord fait peur.
Notre époque raffole de la pensée molle, elle en tartine le monde. Tout notre avenir se joue entre la nouille et le camembert.