Moi, c’était plutôt mon nom qu’on se rappelait. Entre ceux qui décidaient que je devais être juif et qui y ajoutaient la connotation raciste que leurs grands-parents n’avaient pas guérie des années quarante, ceux qui m’appelaient Isaac, parce que la Vendée garde encore ses traditions religieuses et qu’on n’y vit pas son enfance sans le "caté", et ceux qui remarquaient que je restais indéfectiblement le premier de l’ordre alphabétique, personne n’oubliait mon patronyme. On ne mettait pas souvent mon nom sous mon visage mais encore moins souvent mon visage sous mon nom.
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Il m’était arrivé d’espérer posséder un nez démesuré pour me croire Cyrano, ou une déformation quelconque, gros bouton sur le nez ou rictus ridicule, qui m’aurait vraiment affublé d’une laideur intéressante. J’aurais, évidemment, préféré être beau. Je n’étais que désespérément mignon, assez pour plaire si je le voulais, trop peu pour séduire sans effort.
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