Mais la "dark fiction" ne s'intéresse pas qu'à la peur provoquée par l'irruption du surnaturel dans nos vies, mais aussi à l'angoisse naturelle et à la terreur quotidienne. Dans notre univers familier, nous admettons l'existence de monstres réels, de maux terrifiants et d'endroits dangereux. Le peintre Francis Bacon estimait qu'il n'y a rien de plus horrible que la vie elle-même. Force est de constater que la réalité génère sans cesse ses propres horreurs.
(Dans la préface de Daniel Conrad, p.16)
Son valet de chambre jamaïcain finit par avoir pitié de lui et consentit à lui indiquer une adresse.
- En deux mois, vous aurez l'air d'un vrai riche, monsieur, sans vous offenser, lui assura le larbin.
Tilchandot alla donc prendre des cours de richesse, pour avoir l'air d'un authentique nanti, tant et si bien qu'au bout de six semaines il obtint d'excellents résultats et les gens ne se retournèrent plus sur lui dans les rues de Neuilly, seule exception : le petit Eude-Amaury de la Roche-Bellière de Maisongrande, le fils du capitaine d'industrie qui habitait au 9 ter de la rue, qui un jour, le croisant, la main dans celle de sa maman, lança :
- C'est l'ancien pauvre, mère, vous voyez bien...
- Tenez-vous, Eude, je vous en prie.
"Science et connaissance, art et anticipation : les deux couples qui se cachent bien des choses, mais quand ils se comprennent rien au monde ne les surpasse", écrivait Vladimir Nabokov. Voilà qui résume parfaitement l'essence même de cet ouvrage. Pour aller plus loin, et au risque de réinventer l'eau tiède, "moissons futures" est une anthologie qui veut réconcilier science et fiction, scientifiques et conteurs (lorsqu'ils ne sont pas l'un et l'autre). Alors quel genre littéraire, autre que la science-fiction, aurait pu permettre d'imaginer, d'explorer ou de fantasmer les futurs possibles (ou improbables) à l'horizon 2050 ? La réponse est évidente : aucun.
Ne nous y trompons pas : 2050, c'est demain. Ce milieu du XXIème siècle, qui nous semble tour à tour et selon les circonstances si proche et si lointain, sera quoi qu'on en pense "biotech" ou ne sera pas, avec ses promesses éblouissantes, extraordinaires, mais aussi ses menaces terribles, incalculables...
(extrait de la préface signée Conrad et Parmentier)
La faim se faisait une compagne de plus en plus insupportable. Elle me tenaillait comme un vieux clou au bord de l’arrachement.
J’avais assez peu dormi pendant mon hibernation et mes réserves de lecture s’étaient épuisées au rythme de mes insomnies.
Il tournait en rond, des ronds de plus en plus larges autour d’un village endormi. Mort. Un village où plus personnes ne se parlait, un village qui s’était laissé glisser de l’autre côté du miroir, qui avait refusé de plier sous le vent du progrès.