Une fillette arrose ses ipomées
avec l'eau non gazeuse,
La terre glougloute dans le parterre mouillé.
Sa mère accourt à toute allure.
L'eau achetée, je n'en gaspille jamais !
L'enfant répond calmement :
Contaminé, le mot que j'ai entendu de toi.
Aller chercher avec l'arrosoir
l'eau du robinet, que j'évite, ce serait absurde,
alors que ma fleur me fait confiance.
Depuis, les cerisiers fleurissaient comme jamais.
Les gens disparaissaient avec leur fierté.
Flore tombe à genoux,
Elle prie pour le silence qui fit fondre son cœur.
L'eau a cinq secrets.
Sagesse liquide que le maître lui avait révélée dans une forêt.
L'enfant l'a gardée
dans son second cerveau derrière le quotidien fripé.
A la table rutilante près du lit d'infirmerie
il couche la cascade sur le papier.
Puisse l'eau se mettre en mouvement d'elle-même et mouvoir pierres et arbres.
Couler infatigablement et ne jamais s'arrêter. Si elle rencontre un obstacle, puisse
sa vitesse croître. Puisse l'eau être pure, purifier l'impur, unissant ainsi le pur
avec l'impur. Océans, vapeur, nuages, neige, brume, glace ou tsunami : puisse l'eau
prendre diverses formes, et toujours rester eau.
"La centrale a toujours fait partie de nos vies, mais je n'avais jamais réfléchi aux conséquences d'habiter tout près. Je n'avais jamais pensé que ce que je considérais être une source d'emploi et de développement économique pour notre ville changerait irrémédiablement nos vies. J'ai décidé de travailler pour une ONG qui apporte son soutien psychologique aux évacués comme moi. Je veux être active, je refuse d'être une victime."
" On a dû quitter nos villes, abandonner nos maisons, laisser nos vies derrière nous. Mais les arbres sont restés. Ils ne savent pas que tout a été contaminé, mais ils savent quand ils doivent fleurir et quand perdre leurs feuilles, en suivant le cycle des saisons."
"Chaque printemps les cygnes revenaient, le lac en face de notre maison était sur leur route migratoire, vers le nord. Je leur avais donné un nom à chacun, ils me reconnaissaient. Ils volaient en cercle au-dessus de chez nous comme pour nous dire "au revoir, au printemps prochain !". On avait acheté notre maison à Namie trois ans avant le 11 mars, c'était toutes nos économies, maintenant c'est pour nous impossible de racheter une nouvelle maison."
Trois témoignages, parmi d'autres, d'habitants évacués de la zone d'exclusion autour de la centrale de Fukushima-Daiichi.
Je vivais dans un temple emblématique de la région, à environ 17 kilomètres au nord-ouest de la centrale nucléaire. C'était un lieu paisible à la nature abondante, où l'agriculture et la pêche prospéraient.
Beaucoup de familles vivaient sous le même toit à trois ou quatre générations et appréciaient l'histoire et la culture de leurs ancêtres. Dans cette ville a lieu le festival de Sôma Nomaoi, que l'on dit vieux de 1000 ans. En un instant, nous nous sommes retrouvés perdus dans une réalité dure et inacceptable.
Mais petit à petit, nous nous sommes relevés, nous avons fait face à la réalité et recommencé à marcher.
Nous réalisons vivre dans une époque de commodités, où nous sommes "à la fois victimes et agresseurs" ; nous le regrettons à présent.
Comment se sentir concernés non seulement par la question du nucléaire, mais aussi par celles, majeures, des catastrophes naturelles, du dérèglement climatique, des problèmes environnementaux, de la pollution marine, de la guerre, des réfugiés, de la sécurité alimentaire, des disparités économiques, ou encore de façon tout aussi importante de leurs conséquences psychologiques sur notre psyché ?
Nous devrions ne pas oublier de rester humbles, prendre le temps pour une réflexion juste.
Pour moi, le plus important est de s'arrêter et d'écouter la voix de la Terre.
Comprendre que nous en faisons partie, ainsi que de l'environnement.
Pour prendre l'exemple du pommier, chaque personne serait un fruit et la Terre, l'arbre. L'éveil de cette conscience est nécessaire pour découvrir notre vraie nature.
De même que la chenille se transforme en papillon, cet éveil amène à une transformation et une possible résolution de nos problèmes.
Aujourd'hui, demandons-nous comment vivre.
De la croissance à la maturité, laissons-nous faire partie du changement.
Tanaka Tokuun, Moine bouddhiste au temple Dôkeiji, ville de Minamisôma, département de Fukushima.
Ne cueille pas les fleurs des champs !
Elles renferment la mort.
Les corneilles sont parties, les souris aussi.
Les plantes seules sont comme captives.
Ne joue pas sur une prairie !
Le plantain te mordra les doigts !
Le mur de la sécurité,
bâti avec des sacs, lisse et noir.
Là-dedans on a scellé
un crime et un bavardage.
On a essuyé les tuiles,
leur arrogance et leur ignorance.
Pour que la lumière ne nous tue plus,
on a capturé la substance chimique.
Déraciné, empaqueté, le chiendent universel.
Maintenant on voit une queue de rat
dépasser du trou ouvert tout récemment.
Qui a picoré le sachet, un corbeau ou un moineau ?
Le soupir suinte, inaperçu,
Sur le parking exténué.
"Jour de fermeture", dit la
porte du salon de coiffure. Depuis
trois ans ce jour
n'en finit plus
et les cheveux
poussent ailleurs.
Achetez-vous une voiture neuve !
On vous donnera des billets.
Prenez des risques, construisez !
Des grues, des clans mafieux, il y en a assez.
Ils se retrouvent au casino
pour une corruption sans fin.
Typhons, tornades, investissez dedans !
Les catastrophes, c'est bon pour les affaires.