Citations de Diana Rowland (73)
- Ferme encore les yeux !
Je me laissai entraîner dehors en riant. Après une dizaine de pas, elle me fit faire demi-tour et dit :
- Ouvre les yeux !
Il me fallut un sang-froid inexorable pour ne pas éclater de rire à la vision de ce qu'elle avait fait à ma maison et aux alentours. Là où, à l'intérieur, les décorations étaient d'un goût exquis, réellement belles, l'extérieur était à présent... eh bien, j'avais l'impression que ma demeure devait être visible par un satellite en orbite. Le toit était couvert de loupiotes, des stalactites lumineuses pendaient des gouttières, et un énorme père Noël (qui saluait de son bras mécanique) occupait toute la véranda. Des bonhommes de neige gonflables entouraient la maison, avec assez de rennes pour tirer dix traineaux, des sucres d'orge géants et plusieurs sapins en néon vert fluo qui clignotaient par intermittence.
Eilahn me jeta un regard plein d'espoir.
- C'est le truc le plus ahurissant que j'aie jamais vu, avouai-je avec une sincérité absolue. J'adore, ajoutai-je, et là aussi, j'étais sincère.
- Waouh !
Je ne savais vraiment pas quoi dire d'autre.
C'était tout juste si le démon ne vibrait pas sous l'effet de l'excitation.
- C'est le bon arbre ? demanda-t-elle. Et les décorations, sont-elles appropriées ? J'ai parcouru de nombreux magazines et sites Web pour déterminer ce qui se marierait le mieux avec cette pièce.
- Eilahn, il est... parfait !
Et ce n'était pas exagéré. Elle avait acheté un sapin, le plus symétrique et harmonieux des épicéas bleus que j'avais jamais vus, et l'avait recouvert de guirlandes lumineuses bleues et blanches, de petites étoiles dorées, de boules étincelantes dans des tons de rouge et de bleu, et de cheveux d'ange argentés. Je remarquai des couronnes de sapin sur les murs, parsemées de petits flocons en papier. L'encadrement de la porte avait été décoré de délicates arabesques en ruban bordeaux, formant un noeud parfait. Elle avait disposé sur le bureau des statuettes d'angelots en céramiques, et des bougies de toutes tailles dans des tons de rouge, de vert et d'or ornaient le dessus de la cheminée et mettaient en valeur les photos qui s'y trouvaient d'habitude.
Je me forçai à penser à autre chose en voyant Ryan approcher. J'en savais trop sur lui, à présent. Peut-il lire dans mes pensées ? même inconsciemment ? J'étais quasi certaine que Rhyzkhal en était capable, ce qui voulait dire que Ryan, s'il était réellement un seigneur démon, aussi. Pense à quelque chose d'innocent, du style un mur blanc ou une girafe violette. Mais je n'avais aucune expérience pour éviter qu'on puisse lire dans mes pensées. Girafe violette. Girafe Violette.
Des siècles auparavant (enfin, c'est ce qu'il me semblait), Ryan m'avait demandé pourquoi j'invoquais des démons. Et je lui avait répondu par une sorte de pirouette du genre "parce que je le peux". Mais, en vérité, il y avait beaucoup d'autres raisons. Ce n'était pas simplement du fait que je possède ce talent. C'était parce que l'invocation m'apportait quelque chose que je n'aurais jamais eu, et n'obtiendrais jamais, sinon. Un rôle dans la vie, le sens d'un accomplissement, et j'avais bossé dur pour ça. Personne ne m'avait adoubée en tant qu'invocatrice. Même avec la capacité inné d'ouvrir les portails, j'avais dû suer sang et eau, bosser, étudier, apprendre pour en arriver à ce que j'étais à présent. Je n'avais pas simplement hérité d'un pouvoir ou d'une fortune incroyables, et je n'avais pas acquis ces connaissances par la grâce d'un accident surnaturel, comme dans ces histoires où la moche du lycée se transformait en vampire tout-puissant, en loup-garou, ou un truc du genre. Non, j'avais travaillé dur pour ça. Ce talent, c'était le mien. Je l'avais gagné.
C'était pour cela que j'invoquais des démons. Parce que je le pouvais.
- Ça m'a vraiment fait plaisir de te revoir, Kara, en dépit des circonstances. Tu es vraiment superbe.
Le sourire qu'il me décrocha me rappela pourquoi j'étais restée si longtemps avec lui. C'était un gars intelligent et bourré de charme, et il m'avait été impossible de lui résister lorsqu'il avait porté son attention sur moi. Il m'avait fallu quelques mois pour aller au-delà de ce charme et me rendre compte que non seulement nous n'avions rien en commun, mais surtout, que jamais je ne serais assez à l'aise pour partager mes plus grands secrets avec lui. Comme le fait que je n'avais jamais réussi à me raser les jambes sous la douche, et devait toujours faire ça dans un bain. Ou que j'étais totalement accro à mon hydropropulseur dentaire, et appréciais réellement les détartrages chez le dentiste. Oh, et aussi toutes ces histoires d'invocation de démons...
Je fouillai ma veste avec l'espoir fou d'y avoir oublié une paire de gants l'année précédente, mais tout ce que j'y trouvai fut un vieux mouchoir en papier froissé probablement porteur de germes fossilisés. Je ne vis aucune poubelle aux alentours, et refusant de polluer le sol, je le remis à contrecœur dans ma poche en espérant que les microbes étaient bien morts.
- Où est-ce que tu as appris ça ?
Elle me jeta un regard perplexe.
- Quoi donc ?
- Ta manière d'embobiner les mecs autour de ton petit doigts d'un simple sourire ?
Elle haussa les épaules.
- Je lis beaucoup.
Bon sang. Il fallait vraiment que j'aille faire un tour à la librairie.
-Putin de merde. Tu a intérêt à me revenir. Tu m'entends? T'as intérêt à revenir!
Je tentais de hocher la tête, mais il me tenais trop fermement. Et avec la boule que j'avais dans la gorges, impossible de parler. Cela ne sembla pas le déranger, puisqu'il posa ses lèvres sur les miennes. Ce n'était pas un baiser amical, celui-là, plutôt le genre plein de passion, terriblement affamé, comme si c'était le dernier baiser qu'on échangerait. C'était un baiser qui nous permit de nous dire ce dont nous avions soigneusement évité de parler tout ce temps, plein de ferveur, de peine, de douleur, de joie et de manque. je le serrais contre moi, lui rendant ce baiser avec autant de passion que lui, refusant de le lâcher jusqu'à ce que les tentacules d'énergie m'y contraignent. je le lâchais aussi vite que je le pouvais et le repoussai loin de moi.
- je t'aime dit il
la traction qui s'exercait sur moi se fit douloureuse, mais je parvins quand meme a lui sourire avec douceur
- si je te dis que je le savais, tu te moqueras de moi?
il laissa echapper un petit rire
- espece de becasse!
- Tu n'es pas un peu jeune pour être un seigneur démon ?
Son sourire s'effaça.
- Ne m'adresse pas la parole sans que je t'y autorise.
- Oh ta gueule, la blondasse, marmonnai-je en me relevant doucement. Y en a des plus coriaces que toi qui ont essayé de me mater.