Bande annonce du livre de Didier Long "Un ange dans le rétroviseur" - Luxury business : l'affaire est dans le sac.
Trois choses sont extrêmement frappantes quand on passe du monde du monastère à celui de l'entreprise. La faiblesse de l'engagement, la difficulté de transmission des savoirs entre générations, la montée de la peur. L'engagement d'un moine est total. Cela contraste puissamment la démobilisation et l'absence de foi dans le projet de l'entreprise, l'individualisme et le chacun pour soi qui marquent l'entreprise en ce début de 21ème siècle. Ceux qui montent sont souvent les gens incolores et inodores. Or sans générosité dans l'engagement, sans prise de risque, sans volonté d'entreprendre on tue l'innovation, la capacité à ouvrir un avenir. Ensuite, un monastère est une école d'apprentissage permanent. Le monde du travail, lui, favorise peu la transmission du savoir, l'auto apprentissage interne. La pyramide des âges n'est pas un vecteur d'excellence, surtout dans les technologies de l'information où les salariés sont jeunes. L'entreprise s'attache à la compétence immédiate qu'elle va souvent puiser à l'extérieur d'elle-même. L'expérience, le leadership - difficilement quantifiable - sont peu valorisés dans les faits. La mobilisation autour d'un projet commun, la capacité à développer les personnes, la structuration des savoirs et leur capitalisation sont pourtant vitaux à moyen terme. Enfin, il faut parler de la peur. Je suis frappé par le fait que les gens ont peur. Peur de perdre leur place, peur d'échouer, peur de prendre des risques : l'entreprise n'est plus un espace de confiance. L'inverse de la peur c'est la paix, pas forcément bénédictine. Les petits jeux de pouvoirs à court terme, remplacent l'échange et le challenge des idées. Or les systèmes fondés sur la peur n'ont pas d'avenir car ils ne créent pas la possibilité de prendre un risque ensemble et de réussir. Cette analyse va sembler idéaliste et peut-être un peu dure, mais si nous n'analysons pas les causes avec lucidité et sans nous raconter d'histoires nous ne sortirons pas du marasme ambiant.
... l'hédonisme, au sens d'une revendication du jouir éternel, est une fausse liberté et un facteur destructeur. L'amour de soi jusqu'au mépris de tous n'est pas un programme de vie heureuse. Les enfants du divorce sont trop souvent des laissés-pour-compte des caprices infantiles de leurs parents. Les femmes délaissées avec deux ou trois gosses, en HLM, paient cher les caprices du démon de midi de monsieur. Au final, ce sont toujours les faibles qui paient l'addition (l'addiction) et sont invités à fermer leur gueule. Une rupture (parfois inévitable !) est toujours plus dure pour celle ou celui qui reste. La réalité, c'est que l'on ne peut pas vivre sans éthique ni règles.
Woody Allen résume assez bien ce que nous sommes devenus : je suis né de confession israélite... mais je me suis assez vite converti au narcissisme." Le "tout à l'ego" est la maladie de la modernité et nous sommes en train d'en crever.
Nous voulons être beaux pour être aimés, mais en réalité il faut aimer pour être beau. Comment casser ce cercle infernal ? Notre désir va de soi à soi en utilisant le monde, autrui, pour le réduire, à notre propre mesure. C'est par facilité que nous disons que les autres sont "des relations merveilleuses". En réalité, ils sont d'abord un risque ou une proie dont notre désir, qui réduit tout alter ego à sa mesure, veut supprimer l'étrangeté. Or le réel, la vie, l'humanité, dont nous faisons à chaque instant l'expérience, dépassent infiniment ma toute petite idée que nous nous en faisons.
"Les sociétés occidentales qui se présentent comme des modèles de démocratie sont en réalité devenues des collections d'ego juxtaposés. Comme le résume très justement le penseur allemand Peter Sloterdijk : "Si les Occidentaux n'ont pas de mal aujourd'hui à se définir comme démocrates, ce n'est généralement pas parce qu'ils ont la prétention de soutenir la communauté politique par des efforts quotidiens lais parce qu'ils considèrent à bon droit ma démocratie comme la forme de société qui leur permet de ne penser ni à l'Etat, ni à l'art de l'appartenance."
...notre désir est un bon serviteur mais un mauvais maître. Nos passions (l'argent, le sexe, le pouvoir), quand elles deviennent des addictions, c'est-à-dire quand elles tournent en boucle, finissent par nous dominer. Elles nous maîtrisent. elles nous terrassent. Elles nous déshumanisent.
Vous savez, on peut traverser toute son existence comme une mouche !
Chaque pas, dans notre propre vie, nous rapproche de notre mort. Et cela, tout être humain, surtout quand il veut l'oublier, le sait.
"Le fait central des Temps modernes n'est pas que la Terre tourne autour du soleil, mais que l'argent court autour de la Terre" résume joliment le philosophe allemand Peter Sloterdijk. Depuis le départ de Christophe Colomb de Séville en 1492, nous avons englobé notre planète de réseaux successifs, maritimes, ferrés, aériens, d'ondes et enfin de réseaux Internet. C'est ce qu'on appelle la globalisation...Pourtant, au moment où l'ubiquité est à notre portée, alors que nous sommes tous connectés, nous ne savons pas comment rétablir le lien social! C'est à dire rétablir le lien avec notre voisin de bureau, la femme seule avec trois enfants à l'étage du dessous et que nous n'osons pas trop approcher de peur d'avoir à l'aider ... Il faut des milliers d'heures d'écoute pour comprendre .. Comment avons-nous pu croire un instant qu'avec notre pauvre globish des aéroports et conseils d'administration, nous pourrions créer la fraternité universelle en deux clics sur facebook.
Nous nous aimons trop. Trop car le narcissisme hypertrophié est l'une des maladies de notre époque. Chacun y va de son petit destin personnel, veut enfin exister. Célèbre, riche et beau ou belle : "vaste programme"...
Nous nous aimons trop, en même temps pas assez. pas assez, car le déficit d'estime de soi, l'anorexie du narcissisme, le manque de confiance dans la vie est l'autre maladie de l'époque. La perte de confiance, l'incapacité à croire que nous avons une quelconque importance en ce monde sont monnaie courante et pas seulement chez les midinettes. Les grands patrons ont besoin de coaches, de gourous-béquilles...