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Citation de LaurentGrisel


Il était une fois dans une cuisine parisienne, il y a une vingtaine d’années, une enfant dont les doigts poussaient hors de son assiette les éclats de la coquille éparpillés autour du coquetier.
- Tu devrais manger ton œuf tout de suite, disait la mère. Si tu attends trop il va durcir, ce ne sera plus un œuf à la coque. Veux-tu que je l’ouvre ?
- Non, c’est moi.
La fillette découpe le sommet de l’œuf avec sa cuillère. Le jaune apparaît : une perle dans un glacier blanc. Elle touche du doigt la lisse pellicule qui le recouvre. Dessous vibre la perle. Elle la tapote. Ouvre-toi, ouvre-toi. La perle frémit, ça sifflote là-dessous, l’enfant l’entend. Sors de là, chuchote-t-elle. D’infimes secousses agitent la surface soyeusement bombée. Sors de là sinon je te mangerai. Ce qu’elle attend va-t-il se produire ? Oui, regardez ! La perle se fend et un éclair noir jaillit dans une éclaboussure de soleil : un loriot ébouriffe ses ailes et les déploie au-dessus du coquetier. L’enfant ne quitte pas des yeux les longs traits ondulés qui virevoltent sous le plafond. Le loriot siffle à tout-va. Autour de lui tout n’est plus qu’étincelles de lumière. Le ventre jaune vif illumine la table d’une nuée de papillons d’or qui dansent au-dessus de l’assiette.
- Tu as fini ton œuf ?
Gigi fait revenir des pommes de terre à la poêle.
Si elle se retournait elle ne verrait ni le loriot ni les yeux de l’enfant écarquillés sur l’invisible.
Encore quelques rapides battements d’ailes entre les murs de la cuisine bruissante de ses plumes et l’oiseau s’envole par la fenêtre ouverte du premier étage. Gabrielle entend son cri tourbillonner dans la cour avant de disparaître dans le noir de la nuit.
(Pages 65-66).
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