Eden Finley

—  Où est papa ?

—  À l’intérieur, il coupe la dinde.

Je regarde Damon.

—  Est-ce que le trajet nous a pris huit mois ? Je ne m’étais pas rendu compte que c’était déjà Thanksgiving.

« — Et toi ?
La main de Reed se pose sur ma cuisse de nouveau et cette fois lorsque ma jambe s’arrête, il ne la retire pas.
Avec un geste rassurant, je ne suis plus couvert de sang et dévoré de culpabilité. Je fixe sa main du regard et j’aimerais la couvrir de la mienne, mais je ne peux pas, et cela me fait me détester encore un peu plus. Reed remarque mes yeux collés sur sa main et la retire.
— Désolé. Je ne veux rien dire par ça. Je voulais juste que tu calmes ta jambe.
— Ce n’était… je veux dire, je sais, dis-je en secouant la tête. C’est cool.
Avoue. Dis-lui que tu as envie de lui en tant que toi, pas Anders. Excuse-toi à profusion et promets-lui que tu vas tout faire pour te faire pardonner.
— Reed, il y a quelque chose que…
Il se relève lorsque Davis et sa mère apparaissent.
Évidemment. Tu parles d’un timing pourri. »

« — Et tu es comptable ? Ne le prends pas mal, mais tu n’as pas l’air d’un comptable.
— Tu n’as pas l’air d’un prof non plus. Un prof d’éducation physique, éventuellement.
Que peut faire un mec qui n’a pas d’activité sexuelle, à part de la muscu ? Peut-être que ma rupture avec Ben il y a six mois était une bonne chose. Vu la façon dont Anders me regarde, je me dis que ça a payé.
— Les profs de sport sont gras en général, alors je me sens offensé, plaisanté-je.
— Ce que je voulais dire, c’est que tu as l’air plutôt en forme, rectifie-t-il en faisant voyager ses yeux sur mes bras. Musclé.
— Tu as l’air assez en forme toi aussi.
Ces six derniers mois de célibat ont été longs. Je n’ai pas forcément envie d’une nouvelle relation, mais je suis un homme. »

Il m’a fallu longtemps pour arriver à ce point où je sais que j’ai besoin d’aide, mais les voix essaient de me tirer vers le bas et il ne leur faudra pas longtemps pour prendre complètement le dessus si je ne fais pas quelque chose à leur sujet.

Je devrais être fier d’être capable de reconnaître les signes et d’être assez fort pour demander l’aide dont j’ai besoin, mais la vérité c’est que ça me rappelle juste que j’ai besoin d’aide en premier lieu.

Puis les voix recommencent encore.

C’est un cercle vicieux.

Law se lève.

— Je vais t’accompagner.

Ça recommence. Mon âme se divise en deux.

Aujourd’hui sera le jour où j’ai réalisé que Brody et moi ça ne marcherait jamais.

— Est-ce que ça va aller si je te laisse un moment ?

— Il plaisante ou quoi ? Je vais pouvoir rester baver sur tous ses frères canon.

Ollie se met à rire.

— Tu as encore dit ça à voix haute, chéri.

— Eh merde. Ils sont deux fois plus grands que moi, en plus. Deux d’entre eux sont des combattants de MMA. Il va peut-être falloir que je trouve un endroit où me cacher.

Ils continuent tous à m’observer et je me rends compte que je suis toujours en train de parler.

— Je dis encore tout haut ce que je pensais tout bas, c’est ça ?

Ollie se penche et m’embrasse sur le dessus de la tête.

— Ouais, mais je te promets qu’ils ne te toucheront pas.

— Le shit, c’est le mal.

—  Bon, est-ce que je vais devoir te rappeler qu’il va y avoir d’autres êtres humains présents ce soir et que Wyatt vit dans un deux-pièces, et qu’il est donc fort probable que quelqu’un soit toujours en train de nous écouter ?

—  Insinues-tu que je ne suis pas capable de fermer ma bouche à propos de la blessure que tu t’es faite en me défonçant par-d…

Je soupire lorsque j’entends Wyatt rire. Il fallait évidemment qu’il ouvre la porte au milieu de la phrase de Maddox.

—  Eh, Noah, crie-t-il dans le couloir de son appartement situé au rez-de-chaussée. Tu me dois vingt dollars.

— OK, on va dans ma chambre, annoncé-je en tirant Lennon par le bras.

— Tu connais les règles dans cette maison, m’interrompt ma mère. Pas de garçon autorisé dans ta chambre.

Elle rigole lorsque je la regarde bouche bée.

— Tu devrais voir ta tête.

Elle rit tant qu’elle se tape la cuisse.

— Ne fais pas attention à elle, dit mon père à Lennon. Il lui en faut peu pour rire.

— C’est pour ça que je me suis mariée avec toi, lui répond-elle.

— OK, j’ai décidé que tu devrais être tout le temps défoncé. Du genre à longueur de temps. C’est vachement divertissant.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, mes articles n’auront plus aucun sens.

— Ils n’ont déjà aucun sens lorsque tu es sobre.

Je fais semblant d’être vexé.

— Comme tu l’as dit tout à l’heure, merci, Ollie. Franchement.

Ollie embrasse le dessus de ma tête.

— C’est toi qui as commencé.

Je suis Noah et il me tend une bière qu’il sort du frigo.

—  Tu as trouvé un moyen de faire en sorte que Damon s’excuse ? demande-t-il.

Bah ouais, j’ai mis ma queue dans sa bouche.

—  Euh…

—  Il va falloir que tu me donnes ton truc parce qu’il est sacrément têtu, d’habitude.

Ouais, mais bon, je ne vais pas donner ma technique à Noah. Je hausse les épaules.

Je suis faible.

J’ai toujours été faible.

Je ne vaux rien.

Ces pensées sont dangereuses, je le sais, mais elles ne cessent de me narguer, me rappelant qui je suis vraiment.

Je ne suis pas ce mec qui a des relations sexuelles sans conséquences avec son colocataire. Je ne mérite pas une fin heureuse, comme mon frère.

Ce n’est pas ma vie.