Edith AZAM "Ça n'a pas d'importance" (France Culture, 2008)
Lémission « Ça rime à quoi ? », par Sophie Nauleau, diffusée le 28 septembre 2008.
Je voudrais écrire un poème. J’y songe
depuis plusieurs jours multipliés par un
désir qui fait tourner les jours encore.
Un poème, une forme simple, le bon
lieu où : disparaître. Il serait en octo-
syllabes. Nul n’aurait à le lire, il serait
là, c’est tout. Il serait un poème que
l’on suivrait des yeux comme on suit
les oiseaux. Je voudrais écrire un poè-
me, non, je voudrais devenir un oiseau.
Ventre…
Et lui
qui se serre se serre
pour ne plus rien dire
et qui ne peut pas
et qui ne sait
qui est trop petit
et son cri
lui
qui le cache
le terre dans son ventre
le cri imprononçable
du carcan de l’enfance
tout petit tout petit
c’est tout petit la vie…
Ventre…
Toujours l’enfant à naître.
Ventre
et trouver sa parole
et trouver l’autre en soi
le tunnel à ouvrir
pour la petite petite
pour la petite vie.
Prononcer des paroles
trouver des mots pour soi
des mots pour la mémoire.
Ventre…
Avoir peur de son :
ventre.
Mais tout de même
un jour
un jour oser son cri
et sa petite petite
et sa petite vie.
La nuit. Avec la lune, la marche est encore possible. Il n’y a pas d’autre solution, je me dis ça, oui, qu’il nous faut avancer, s’enfoncer dans la nuit. Je me dis : Maintenant, c’est à elle la nuit, à elle de nous raconter. Alors je me tais. J’écoute.
JE REGARDE MES MAINS…
Extrait 2
Un jour
demain
un jour
avant
hier
peu importe
c’était le long des berges
et je voulais que tu m’embrasses.
Quand tu m’embrasseras,…
Si tu m’embrasses Hannah tu verras je…
un silence a-grammatical
me vide les poumons.
Hannah Hannah
si tu savais
Si tu savais…
tous les d’oiseaux
je les embrasse
tout en pensant
t’embrasser toi
Hannah my Dear
you’re my absence…
Hannah je l’ai écrit
Extrait 2
j’ai écrit lentement
toutes les lettres en écho
à l’endroit à l’envers
dans n’importe quel sens
j’avais le nom d’Hannah
qui me faisait mon oxy-j’aime
et ma patience
et mon désir !
Hannah Hannah
my Osotis
my moking bird
beso beso
Osotis mine
otro beso
ma Segnorita :
Uccellina !
On écrit pour s’éteindre, pour partir en fumée. On écrit : des ombres qui désespèrent : du soleil. Quelques signes bien sûr, mais qui comprend, qui ? Et qui entend qu’écrire ne signifie rien d’autre que notre chair hurlante ?
Parce qu'un enfant malade, on est touché on lui sourit ! Mais un GEORGES ! Là forcément, on s'enfuit : des fois qu'il vieillirait trop vite ! On sait jamais les prénoms, ce qu'ils peuvent faire comme maladie...
Bestiole-moi Pupîlle
extrait 6
Pupille
Avec la main suivre la pluie.
Le Fou
dans l’angle de la pièce
son rire...
Le deuxième homme
vitre :
à briser.
Ses yeux plantés dans Pupille.
Pupille au centre ne bouge plus
reste avec Bestiole sous peau
et ne veux rien céder mais...
cède.
Le rire :
aigu.
Vitre :
à briser.
Pupille qui voudrait s’exclure
mais ne sait pas faire autre chose
que regarder les trous
les absences béantes
les gueules métal-froid :
qui sauvagent.
…
COMMENT ÇA S’OUVRE UN CORPS…
Extrait 3
nous allons sur le chemin d’encre
il ne mène qu’au corps d’amour
ce n’est pas une forme en soi
c’est l’espace tout alentour
devenu chair de nos pensées
quand le soir n’est plus que ténèbres
la lumière nous vient d’en bas
c’est la belle sueur du noir
et goutte à goutte elle fait voir
que tout change et ne se perd pas
que tout change au lieu de se perdre
ainsi fait le vocabulaire
qui nomme ceci par cela
puis fait du neuf avec du vieux
dès que la langue est amoureuse
L'univers
Est la seule présence.
Ses blessures
Ses coutures
À mots couverts
À mots cousus
Il nous les offre.
Son chaos
Nous offre un corps :
D'incertitudes.
Les coups de hache sur le bois
et notre cœur ne se fend pas.
La tête sur les épaules ?
Un abus de langage.
On le sait...
On le sait
Nos têtes roulent
Dans les cailloux...