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Critiques de Edmond Jabès (12)
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Le livre de l'hospitalité

" Écrire, maintenant, uniquement pour faire savoir qu'un jour j'ai cessé d'exister ; que tout, au-dessus et autour de moi, est devenu bleu, immense étendue vide pour l'envol de l'aigle dont les ailes puissantes, en battant, répètent à l'infini les gestes de l'adieu au monde.



Oui, uniquement pour confirmer que j'ai cessé d'exister le jour où l'oiseau rapace a occupé seul l'espace de ma vie et du livre, pour régner en maître et dévorer ce qui, une fois encore, cherchait, en moi, à naître et que je tentais d'exprimer.



Inutile est le livre quand le mot est sans espérance. "



C'est par cette magnifique épigraphe que s'ouvre le Livre de l'Hospitalité d'Edmond Jabès. Ces quelques lignes contiennent à elles seules toute l'émouvante tonalité du livre, comme une confidence que le poète fait, sachant sa mort proche, certain que les mots ont encore quelque chose à dire, à révéler.



Inquiet de la précarité de la nature humaine, Edmond Jabès interroge obstinément tout ce qui peut faire naître le possible, l'inattendu, l'inespéré. Par des textes en fragments, par de courtes assertions et des questions, en prêtant sa voix à un sage, le poète met en lumière le sens de l'écriture avec tout ce qu'elle permet de rapport à l'autre, au monde, à Dieu, à ce qui fonde une hospitalité du regard et du coeur.



En se faisant l'hôte d'une vie commune et singulière, le poète fait advenir une parole par laquelle il se remémore le passé, il questionne le présent pour penser l'avenir, au seuil d'un avenir encore impensé.



Le Livre de l'Hospitalité contient une écriture d'une intuition débordante, d'une beauté simple et grave, une écriture qu'il nous faut accueillir, qui parle de notre solitude, de notre finitude, de ce qui confond la vie et la rend si singulière.



" Tu parviendras, une seule fois, à l'exprimer, au cours de ton existence et ce sera lors de ton ultime tête-à-tête avec la mort.



Tout ce que tu diras - il faudra le dire avec prudence - tient en quelques phrases lapidaires.



Grand sera, alors, ton étonnement de constater que tu auras eu besoin de ta vie entière pour rassembler un si petit nombre de mots ".

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Un étranger avec, sous le bras, un livre de p..

Incipit :

« L’étranger te permet d’être toi-même, en faisant, de toi, un étranger. »



« La blessure est solidaire de la blessure, comme la main, de la main tendue. » (p. 28)



« L’étranger est, peut-être, cet homme sans identité établie, auquel nous réclamons avec insistance un nom. » (p. 50)



« L’étranger est l’être qui suscite, autour de lui, le plus de méfiance. L’incompréhension manifestée, à son égard, par les honorables citoyens du pays qui l’héberge, leur égoïsme, aux conséquences, parfois, tragiques, en font le porte-parole qualifié de la solidarité humaine », disait-il.

Et il ajoutait : « Celui à qui tu tardes à tendre la main paie, seul, le prix de ce retard.

« Celui à qui tu ne tends pas la main paie, seul, le prix de ce geste.

« Et ce prix, la plupart du temps, est exorbitant.

« Le prix d’une impardonnable faute de Dieu. »

Et le sage rappela que lorsque Dieu voulut ranger Son Livre, l’un de ses doigts resta prisonnier entre deux pages. Forcé de les rouvrir, pour dégager Sa main, Il lut la phrase sur laquelle Son index s’était attardé et la grava dans notre mémoire.

Et chacun de ses disciples s’en souvint : « Eternellement, tu écriras sur la douleur de qui a écrit et tu liras ta douleur dans celle du livre. » » (p. 57)



« Quelle image a, de l’autochtone, l’immigré ? Celle d’un patriote qui, soit lui reproche sa présence, soit, s’il est mû par la plus sincère des bonnes volontés, l’incite à lui ressembler afin qu’il soit pleinement intégré dans la collectivité qu’il représente.

Pour l’étranger, juif ou écrivain, mais cela vaut, également, pour tous les marginaux, créateurs, artistes, rêveurs – rêver n’est-ce pas se comporter en étranger ? – saltimbanques, somnambules, aventuriers, sages ou fous que la société, pour son salut, croit-elle, condamne en bloc, même si, pour donner le change, celle-ci loue ou fête quelques-uns d’entre eux, au nom de la pensée, de l’art ou de la science, elle est à la ressemblance de sa différence vécue en tant que positive différence, dans la séparation, volontaire ou redoutée, qui l’affermit.

L’immigré anxieux de ne plus être considéré comme un étranger sait-il que, son souhait exaucé, il cesse, aussitôt, d’être lui-même, n’étant, désormais, que la mauvaise copie d’un modèle suspect ? L’étranger est, peut-être, celui qui consent à payer, modeste ou exorbitant, le prix de son étrangeté. » (pp. 86-87)



« Lorsque j’évoquais, devant lui, la France dont il était devenu, par fidélité à sa culture et à sa langue, et par choix profond, l’un de ses citoyens, il se contentait de dire : « Mes premiers balbutiements étaient un hommage à la France, un hymne. Mes derniers balbutiements le seront aussi, sans doute. » Et il ajoutait, à voix plus basse : « J’ai donné, à la France, le meilleur de moi-même : mes livres. Et ces livres, hélas, lui sont, en partie, étrangers. Mais, dans cette partie qui lui échappe, il y a tout le désespoir de mon amour pour elle. »

Et il ajoutait : « Il y a, d’un côté, l’idée que, depuis deux siècles, nous nous faisons de la France et, de l’autre, il y a la France d’une minorité agissante de Français qui ne supportent pas cette idée. » À ceux-là, l’étranger dit : « Chaque jour vous élargissez le fossé dans lequel vous précipitez l’idée qui vous répugne. Apprenez qu’avec elle vous enterrez la France. » (p. 110)



« La langue dit la possibilité de la langue, comme chacune de nos pensées, chacun de nos gestes dit notre possibilité d’être ; mais, y a-t-il un au-delà du possible qui est encore possible ? C’est là où l’écrivain et le penseur se situent.

Notre relation à la langue à laquelle nous appartenons est notre contribution essentielle à l’éclosion d’un monde que l’idée, en le réinventant, façonne.

La langue est assoiffée d’absolu, toute tendue vers un devenir nouveau auquel elle doit sa survie.

Fonder une communauté de la langue, c’est fonder une patrie de l’esprit et du cœur, dans laquelle l’étranger a, d’office, sa place, la première ; car abattre nos barrières, c’est aller à sa rencontre. Son rapport à autrui passera, désormais, par la langue grâce à laquelle il découvrira, avec son étrangeté, le sens profond de son engagement. » (p. 122)



Excipit (presque) :

« … puis Dieu se tut. L’univers, aussitôt, éleva la voix.

Pour la première fois, l’étoile entendit l’étoile, et le soleil,

la terre ; la source entendit le fleuve, et la flamme, le feu.

L’homme entendit l’homme, et l’oiseau, la fourmi.

Le caillou entendit la poussière, et la racine, le fruit.

Pour la première fois, l’esprit brava l’abîme.

Et le livre fut.

Et Dieu, à Son tour, pour la première fois, Se lut dans les mots de l’homme.

À lui-même, étranger. »



Pour – mal – résumer : un poème en prose, ou plutôt une prose poétique, parsemée d’aphorismes, fondée sur le vécu de l’auteur (« Tout livre est un livre de bord », p. 145) mais souvent développée à la troisième personne, comme parole d’un sage, parfois aussi sous forme de dialogue. Elle gravite autour de trois centres : L’étranger, comme moyen de surgissement de « l’étrange-Je », Dieu comme négation ou comme absence, la pensée comme parole du livre donc comme possibilité d’existence de l’univers.

Pourquoi cet homme n’est-il pas aussi connu que Victor Hugo ?

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La Mémoire et la main

De la main qui fait naître à la main qui nourrit, de celle qui écrit à celle qui caresse, Edmond Jabès explore, en de courts poèmes illustrés par Eduardo Chillida, l'infinie mémoire de la main...



En papier vergé, ce court livre, dont j'ai du coupé les pages (j'adore descellé un livre, c'est comme entrer dans une terre inexplorée, c'est comme laisser ses pas dans la neige immaculée), est un appel à la caresse. Edmond Jabès interroge les mains détentrices d'un savoir et d'un potentiel que nous-mêmes ignorons : la main qui écrit, qui caresse peut être la même que la main qui tue ("La plume est le poignard ; la main fait saigner").



Jabès explore encore ses lieux communs : le désert, le livre, la mémoire.

La deuxième partie du recueil, plus sombre, interroge la mort et le meurtre.



"En vain tu enfouies les mains dans la nuit rose de ton corps.



Petite fille, petite fille, des nuages, lequel te l'apprendra ?

Le sang ne lave pas le sang."
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Désir d'un commencement, angoisse d'une seule..

Sous ce double titre, et après une sorte d'introduction passionnante sur « un livre […] contre le livre […] qui s'émiette à mesure qu'il se forme », l'on trouve un recueil d'aphorismes que je suis bien incapable de regrouper par thèmes, quelques paragraphes en prose, pas de vers. Le long texte qui se trouve à la p. 22 explique le titre du titre de mon livre préféré de Jabès : Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, qui fait référence à l'histoire des « marrannes ». Certains aphorismes frappent l'esprit et suscitent l'envie de les citer et de les retenir, pour des raisons différentes que je suis bien incapable de répertorier...

[Les dessins au fusain de nus féminins par Claude Garache n'ont rien ajouté au plaisir de ma lecture.]
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Récit

Incipit :

« 1. Il et son féminin Ile



2. Il n'existe pas Il est l'île.

Seul l'océan existe.



3. Regarde avec quelle violence, parfois,

la mer s'acharne sur son absence

plus dure que le roc.

Vagues, monstres en délire, ô chant ! »



À lire en relation avec le début de la « Lettre à M. C. », qui suit le texte principal, éponyme, justifiant le titre :



« Qui dirait encore, de cette île, qu'elle est une île et de ce "Il" qu'il est une pensée ?

Qui dirait, ne ressassant que cela, qu' "Il" et "Ile" sont une seule pensée au sein du vide où elle persiste ; tantôt [elle] figée dans son désir – mais c'est l'espace qui, autour d'elle, s'anime – ; tantôt [lui] ivre d'errance – mais dans un univers immobile. »





I. Si ceci est un Récit, c'est au lecteur de se le figurer.



II. Pour cela il dispose de deux protagonistes, nommés « Il » et « Île », qui sont l'un le correspondant de l'autre. Mais qui sont-ils ? deux visages de l'auteur ?



III. Le lecteur dispose aussi de quatre vingts fragments, qui font penser vaguement à des haïkus, numérotés et rédigés dans un espace entre une ligne et cinq, chacun se composant tout au plus d'une vingtaine de mots.



IV. Le Récit de « Il » et « Île » pourrait être unique : lui, errant, elle, contrainte à résister à l'océan.



V. … ou bien non, certains fragments pouvant même être considérés comme vaguement contradictoires, plusieurs récits se profilent, et c'est à l'habileté du lecteur de les regrouper autant que possible.



VI. … ou encore chaque fragment pourrait être avantageusement utilisé comme un « inducteur » générant son propre récit : autonome, autosuffisant.



VII. Par ex. les cinq consécutifs suivants :



« 63. (Il n'y aura jamais assez d'heures

pour venir à bout

de la mémoire.)



64. (… jamais un équipage de navire

pour affronter les flots de l'éternité,

par endroits en flamme.)



65. (Brisures d'un gigantesque miroir,

quel conséquent visage

oserait se pencher sur elles ?)



66. Le feu couvait sous l'onde et l'eau

n'était plus que repères d'incendie ;

qu'opacité scandaleuse.



67. Par intermittence on voyait luire,

derrière les rideaux de fumée,

d'insolites poignards avides. »



VIII. Personnellement, j'ai joué le jeu d'étoffer autant que possible « mon » récit de « Il » et « Île », en supposant qu'ils pourraient aussi se raconter des histoires à partir des fragments qui « ne collent pas ».



IX. La « Lettre à M. C. » ne contribuent aucunement à éclaircir cette énigme.



X. D'ailleurs la « lettre annoncée, promise » n'existe pas : ce qui comparait sous ce titre n'est qu'introduction, annonce, promesse : cela se termine par un « Feuillet vierge ».
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Le livre du partage

Incipit : « Très tôt, je me suis trouvé face à l'incompréhensible, à l'impensable, à la mort.

Depuis cet instant, j'ai su que rien, ici-bas, n'était partageable parce que rien ne nous appartient...

Il y a, en nous, une parole plus forte que toutes les autres – plus personnelle aussi. Parole de solitude et de certitude, si enfouie dans sa nuit, qu'elle est à peine audible à soi-même. Parole du refus mais, également, de l'engagement absolu, forgeant ses liens de silence dans l'abyssale silence du lien.

Cette parole ne se partage pas. Elle s'immole. »



Excipit : « "Le livre du partage, disait-il, n'est peut-être que le livre d'une espérance partagée des mots dont l'aube et le crépuscule – ô clarté de toute clé – furent l'éveil et le terme."

De l'ardeur d'un premier feu au défigurement d'un feu agonisant, nous aurons, avec des mots luisants, borné l'abîme. »





De cette seconde rencontre avec un ouvrage de Jabès, je ressors avec le sentiment de mieux saisir l'architecture complexe de son expression – ici, le thème de l'impossibilité du partage, après avoir été annoncé dans l'incipit, n'est explicité que dans un long texte en italiques de l'avant-dernier chapitre, intitulé « Pages brûlées », puis dans quelques fragments dont celui de l'excipit –, d'être donc moins surpris par sa prose poétique si singulière où se succèdent et s'alternent l'aphorisme, le dialogue et la citation imaginaires, quelques courtes narrations, des récits bibliques et des esquisses d'exégèse sur la judaïté et son Dieu (ou l'inverse) ; j'ai le sentiment de retrouver des thèmes de prédilection qui constituent l'une des formes des répétitions présentes dans l'œuvre, l'autre servant sans doute pour simplement marquer des bornes provisoires autour d'une idée ; la poétique de l'auteur, c'est-à-dire la dialectique entre le poète et le penseur, me paraît aussi plus claire – peut-être parce qu'explicitée par moments.

En contrepartie, ou peut-être par conséquent, ce début de familiarité m'a provoqué une plus grande désinvolture à ne m'attarder que sur les fragments qui résonnaient instantanément avec mes propres préoccupations, en survolant sans scrupules les autres. Au fil des pages, sans surprise, je me suis reconnu dans l'attirance pour ce qui a trait à la Parole, à l'Expression, à l'Acte d'écrire, et repoussé par tout ce qui convoquait, de près ou de loin, la Mort, le Feu destructeur, les Limites, les Seuils, et Dieu, naturellement.



Parmi les nombreuses cit. que je ne vais pouvoir m'abstenir de recopier pour mémoire, il y a le cas curieux que voici : « Parenté entre deux langues. La part entée. » (p. 61). J'aime beaucoup « la part entée », mais, bien que ce soit peut-être plus banal, j'ai longtemps eu envie de lire aussi « la part hantée »...

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Le livre des questions

En ces temps troublés et incertains, quelques questions ne seront pas inutiles...

Jabès, un grand penseur du XX° siècle. Un grand écrivain.

Bonne lecture...

PR
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Le Livre du Dialogue

Le dialogue doit être entendu ici non seulement entre deux personnes, impossible, au demeurant, car incapable de briser la solitude de chacun, mais aussi comme l'acte d'écrire, dialogue avec l'étranger qui est en soi et de telle manière dialogue avec le monde, et enfin dialogue du Juif avec son Dieu.

Dans cet ouvrage, plus que dans les autres Jabès lus jusqu'à présent, la transcendance, mais aussi l'immanence omniprésente de la mort m'ont parues consubstantielles avec le sujet principal, qui, par ailleurs, est toujours accompagné, jusqu'à la limite de sa propre occultation, par la pléthore de pensées afférentes, induites ou adjacentes.

Tout en étant souvent illuminée, parfois secouée par la fulgurance des aphorismes relatifs à tout ce grand ensemble du « soi dialoguant » - pourrait-on dire en extrême synthèse, mon attention s'est concentrée sélectivement sur le dialogue inter-humain et sur celui que comporte l'écriture en particulier. Mes citations – nombreuses : c'est mon rapport à cet auteur – en témoignent, sauf la dernière, qui m'a touchée émotionnellement pour son caractère, hélas, emblématique...





« - À qui parle-t-on en écrivant ?

À un être dont on ne sait jamais s'il est soi-même ou un autre.

-Parle-t-on à un inconnu ?

-Il serait absurde de le dire de cette façon et, pourtant, c'est bien cela que l'on pourrait avancer : ne s'adresser à personne, en parlant, c'est, peut-être, ne parler qu'à soi-même ; mais comment parler à soi-même sans faire, aussitôt, de soi un autre ?

[…]

Cet autre est non pas moi-même, ni mon invention. Il est ma découverte de l'autre en moi.

Esquisser le profil d'un mot sur un feuillet c'est, déjà, prendre langue avec la page blanche.

Tout ce que nous voyons, entendons, approchons, une fois reconnu, entre en dialogue avec nous.

Le livre ne serait, ainsi, que l'espace circonscrit par le mot ouvert au mot. Nous ne sommes pas écrits où il s'écrit, mais inscrits où il s'efface.

Il y a un langage de la tumulaire inscription que celle-ci nous impose en nous forçant au silence. Lourd silence en quête d'un signe.

Ah l'autre – homme, monde, Dieu – plus nous-mêmes que nous ne pourrions l'être dans le secret de ses aveux ; parole d'une parole à laquelle nous n'osons rattacher notre nom ; car si nous en sommes tributaires, elle, par contre, nous appartient à peine. » (pp. 13-14)



« À la question soulevée : "Y a-t-il un dialogue et comment peut-il s'établir entre deux étrangers ?", il répondit : "Il y aurait un avant-dialogue qui serait notre lente ou fébrile préparation au dialogue. Nous ignorons, sans doute, comment il se déroulera ni quelle forme il prendra, mais sans pouvoir, cependant, l'expliciter nous avons d'avance la conviction que celui-ci s'est, déjà, engagé : dialogue silencieux avec un interlocuteur absent.

Il y aurait, ensuite, un après-dialogue – ou après-silence. Ce que nous aurions pu dire à l'autre, au cours de notre échange de paroles – qui est, plutôt, un apprentissage de paroles – ne disant virtuellement que ce silence ; silence auquel nous renvoie toute parole insondable, creuse, en vain creusée, centrée sur elle-même.

Il y aurait, enfin, ce qui aurait pu constituer le dialogue proprement dit, irremplaçable, vrai mais qui, hélas, n'aura pas lieu, débutant au moment où nous prenons congé l'un de l'autre, rendus, tous deux, à notre solitude." » (p. 17)



« La parole doit sa force, moins à la certitude qu'elle marque, en s'articulant, qu'au manque, à l'abîme, à l'incertitude inventive de son dit. » (p. 45)



« "Je parlerai sans m'interrompre pour celui qui ne dit plus rien, non pour l'inciter à m'imiter, mais afin de le conforter dans son mutisme. Si éloquent est son silence", avait-il noté.

Et plus loin : "C'est toujours le silence qui parle à celui qui lui sacrifie ses mots." » (p. 57)



« "Si ma question appelle, de ta part, une réponse ; celle-ci pourrait-elle prétendre, à elle seule, avoir épuisé la question ?

Si ta réponse appelle, de ma part, une question ; celle-ci pourrait-elle prétendre, à elle seule, s'être débarrassée de la réponse ?

Tout se passe comme si la réponse mourait de la question introduite et la question, de la mort prématurée de la réponse.

On n'interroge que le néant", avait-il noté. » (pp. 64-65)



« "Qui pense, demandait-il, lorsque nous pensons ? Nous sommes environnés de pensées ; c'est ce qui faisait dire à un sage que nous sommes des voleurs de pensées.

J'ai le sentiment qu'en pensant, nous projetons, autour de nous, une foule de pensées contenues dans la pensée vers lesquelles nous nous précipitons, tels des enfants à la poursuite du papillon qui les émerveille." » (pp. 91-92)



« "Celui à qui on a pris le soleil n'a pas reçu, en échange, la lune.

Désormais son ciel ne compte aucun astre", disait-il encore.

Mais il lui fut répondu : "Ne crois pas cela. Il reçut, une fois, une étoile en tissu, à coudre sur sa poitrine, et il est mort pour elle." » (p. 109)
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Le livre des questions

Représentation Théatrale



1. Mode : Structures en plusieurs parties (3 ou 4) Proposition = [références en italiques projetées sur écran ?] A la fin, écrire les sources : noms des rabbins cités. Total = il faudra peut-être étaler le temps de la représentation sur plusieurs jours/mois d’intervalle.



2. Garantir toute tentation de changer la lettre du livre. Etre Juif, c’est avoir à justifier de l’existence ; c’est avoir en commun les mêmes nuits sans sommeil, avoir essuyé les mêmes insultes ; c’est avoir cherché désespérément la même bouée, la même main secourable ; c’est avoir nagé, nagé, nagé pour ne pas sombrer. Etre juif, c’est avoir les mêmes cernes sous les yeux, le même sourire sceptique — et pourtant le Juif est capable de grands enthousiasmes — c’est avoir cligné les yeux face au soleil défendu. Voir interprétation de Derrida dans l’écriture ou la différance : Le Juif comme principe poétique, émancipé de toute empreinte à caractère idéologique.Idée directrice = « Ce chant a pour ambition de nous faire assister à la naissance de la parole. » Cf la fin de Israel, la terre et le sacré - Attias et Benbassa Si le Juif, c’est le monde alors le vrai lieu du Juif, c’est le Livre. Le Livre comme liberté du Juif. Voir Levinas : Suivre le Plus-Haut, n’avoir de fidélité que pour l’Unique : se méfier du mythe par lequel s’imposent le fait accompli, les contraintes de la coutume et du terroir et l’Etat machiavélique et ses raisons d’Etat, identifier mon esclavage en pays d’Egypte avec mon identité même… »
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Petites poésies pour jours de pluie et de sol..

Petit recueil de poèmes, conseillé par son institutrice de CP à ma fillette de 7 ans...

Je les lui ai lus...

Je les ai trouvés simples, doux et magnifiques ...
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Petites poésies pour jours de pluie et de sol..

Quelques textes courts remplis de douceur.

Quelques illustrations aux couleurs douces, chaudes, rappelant pour certains poèmes, l’ocre de l’Egype, terre natale du poète. « Un mur blanc et chaud. Le chat dessus, Le chien dessous. Et un oiseau s’amusant bien Tout là-haut. Tout là-haut. »

Juste onze poèmes sur la nature, les animaux, la beauté et la vie. Des mots simples pour nous enchanter.

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Petites poésies pour jours de pluie et de sol..

Merveilleux de douceur, de mélancolie, de simplicité et de poésie ! A lire et relire. Seul ou en famille !
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