"Mais on y est presque, voyez vous. Car déjà, vous devez vous normer au système et qu’importe les petites particularités de votre histoire qui fait de vous un être unique parmi tous. Soyez consensuel, invisible. Soyez un « accidenté » de la vie irréprochable : mari fidèle et divorcé, au chômage mais licencié économique, surendetté mais avec un enfant handicapé, à la rue parce que violenté. Soyez une victime de la vie. Soyez « l’usager » parfait, courageux, besogneux, satisfaisant des professionnels souvent épuisés. N’attendez pas trop d’eux. lls ne savent pas toujours ce qu’ils pourront faire pour vous. Mise à part remplir des tonnes de paperasses sans vraiment y croire."
"les réformes structurelles et la décentralisation empêchaient toute marge de négociation. Chaque département défend ses parts, refusant de payer pour la femme sans domicile du département voisin, qu’importe qu’elle vive sous leurs yeux dans une de ses communes, logée par le Samu social du département d’à côté. La loi du chacun pour soi."
Contrairement à ce que peut imaginer l’inconscient populaire ou le législateur qui juge par les chiffres, il n’y pas beaucoup de générosité dans le système d’aide sociale. Il y a une succession d’obstacles infranchissables, de dossiers égarés, d’impératifs administratifs à remplir et de normes à satisfaire. Le système lui-même vit dans la peur et élabore des stratégies pour trier, évincer et s’auto-satisfaire que oui, il est généreux mais dans la limite de ce qu’il a choisi de faire.