[L]a pensée de droite n'a jamais vraiment repris à son compte les propos de Renan [qui a défini le concept politique de la nation dans sa conférence de 1882] : on l'a vu, elle est trop hostile au contrat social pour le laisser s'introduire, sous quelque déguisement que ce soit, dans les fondations de la communauté nationale. Vingt ans après Renan, Barrès, donne un tout autre contenu à l'idée de nation, en la faisant reposer sur " la terre et les morts ". Maurras prend plus clairement encore ses distances avec Renan : " La communauté nationale, la Patrie, l'Etat ne sont pas des associations nées du choix personnel de leurs membres, mais oeuvres de nature et de nécessité". La France s'est donc progressivement éloignée de la conception politique de la nation, et c'est la pensée de droite qui s'est portée à l'avant-garde de ce mouvement. Depuis quelques années, le droit du sol a subi de multiples atteintes. Dans le discours courant, la distinction entre les " Français de souche" et les "Français issus de l'immigration" est avancée de plus en plus ouvertement, tandis que la notion d'intégration tend à se confondre chaque jour davantage avec celle d'assimilation. Bref, la pensée de droite est exposée à deux tentations : le ralliement à une définition "ethnique" de la nation et la mise en œuvre de la "préférence nationale" ; dans les deux cas, elle semble mal armée pour résister aux pressions de ses extrémistes.
Qu'on m'entende bien : je ne conteste pas aux victimes indirectes le droit de parler, mais je leur demande de ne pas s'abriter derrière les morts pour présenter leur propre cas. Qu'elles aient subi un tort, nul ne le contestera, encore, je le répète, que ce tort ne puisse être confondu avec celui qui a été infligé aux victimes directes. Mais, de même qu'il n'y a pas de culpabilité héréditaire, il n'y a pas non plus de victime héréditaire.
Si les frontières devenaient poreuses, si les étrangers se voyaient reconnaître le même statut que les nationaux, alors c'est la communauté elle-même qui finirait par se dissoudre dans son environnement. Selon la pensée de droite, le principe d'une telle discrimination - communément appelée préférence nationale - n'est suspect d'aucune xénophobie: il est une condition nécessaire à l'existence de la nation.
Le parti des devoirs contre celui des droits : bien des penseurs de droite accepteraient volontiers, je crois, de désigner ainsi le conflit qui les oppose à "l'autre camp".