Des cris, des pleurs, des crissements de pneus. J’ouvris les yeux, au bord de la suffocation. L’esprit embrumé, je mis un court instant avant de me reconnecter à l’endroit où je me trouvais. J’étais à l’arrière d’une voiture lancée à vive allure. A l’avant du véhicule, un couple de disputait.
Une violente douleur ébranla mon cœur en reconnaissant ma sœur. La panique me gagna immédiatement, mais la douce voix de Liam s’immisça dans mon esprit. Tout se remit en place dans ma tête. De nouveau moi-même, mon attention se focalisa sur la scène.
Je reconnu Matthias. Il semblait possédé. Son visage haineux, marqué de veines saillantes sur le front, ruisselait de sueur. Noëlla était en pleurs. Submergée par les sanglots et l’envie de lui venir en aide, je tendis la main pour lui effleurer la joue.
Au moment où je m’engouffre dans le couloir conduisant aux appartements, je suis frappée par un étrange sentiment. Une attraction indéchiffrable. Un appel qui me noue l’estomac. Obnubilée, j’avance. Le magnétisme se décuple au fil de mes pas. Plus rien ne subsiste mis à part ce lien invisible qui me captive. Je dois en trouver la provenance. Mes pas se transforment en course. Il me suffit de quelques enjambées pour me figer devant l’une des portes. La fièvre martèle mes tempes. Une chaleur indescriptible déferle dans mes veines. La bouche sèche, j’entreprends de tourner fébrilement la poignée. La porte s’ouvre alors à la volée, me stoppant dans mon geste.
- Je peux t’aider ?
Tirée brusquement de mon état second, je recule en levant les yeux vers mon interlocuteur. Surprise, je découvre Ordan sur le seuil.
- Tu cherches quelque chose ? reprend-il.
- Que… que fais-tu ici ? trouvé-je comme seule réplique.
Appuyé au chambranle, il me sourit.
- Je vis ici. L’as-tu déjà oublié ? me lance-t-il, taquin.
- Le monde moderne a détruit l'être humain, reprit le scientifique. Nous avons perdu la foi, l'espoir et le rêve. De désillusion en désillusion, nous avons fini par ne plus croire en rien. Stress. Anxiété. Nos nuits ne sont qu'agitation, calculs et recalculs. En altérant l'équilibre d'Utopia, tous ces maux qui nous rongent nous entraînent malgré nous vers les Affres.
Je reconnaîtrais entre mille ce timbre de voix cassée, propre à Ornella.
- Ce coup-ci, tu vas y passer, ma jolie, susurre-t-elle à mon oreille.
Un frisson d’épouvante me parcourt le corps.
- Amusons-nous un peu avant, si tu le veux bien ! lance un homme en brisant le cercle.
- Avec joie, Evan ! réplique Ornella, en resserrant sa poigne sur mes bras.
Des sifflements et des cris semblables à ceux de bêtes sauvages s’élèvent dans la cave. Un sourire sardonique aux lèvres, Evan plante son regard noir dans le mien et avance de quelques pas dans ma direction.
- Qu’est-ce que tu attends ? lui crié-je pour me donner le courage d’affronter la situation.
Le Malum s’humecte les lèvres et me sourit.
- J’aime jouer avec mes proies, déclare-t-i en m’empoignant violemment par les cheveux.
Les acclamations des spectateurs se décuplent. Mon cœur cogne à tout rompre dans ma poitrine. Evan me force à relever mon visage vers lui. Ceci fait, il s’empare de ma bouche avec avidité.
« Je me rends compte que, parfois, ce qui s’est brisé ne peut se réparer. Même avec la meilleure des volontés. Surtout quand un grain de sable, aussi infime soit-il, vient perturber les rouages d’une relation à l’équilibre précaire. »
Nous nous sommes éloignés, perdus et déchirés. Nous avons fini par en prendre conscience tous les deux et œuvrons depuis pour nous retrouver. Mais au fond de moi, je sens que quelque chose a changé. Je me rends compte que, parfois, ce qui s'est brisé ne peut se réparer. Même avec la meilleure des volontés. Surtout quand un grain de sable, aussi infime soit-il, vient perturber les rouages d'une relation à l'équilibre précaire.
Je marche jusqu'à la baie vitrée et sors sur la terrasse. Le bruit des vagues au loin me parvient aussitôt. La brise de mer s'engouffre sous mon vêtement léger et mord la peau. J'avance tout de même au niveau de la rambarde pour m'y appuyer. Le vent froid continue de me fouetter le visage, ce qui me fait pleurer.
Du moins, c'est ce que je me force à penser.
Le vrai bonheur ne dépend d'aucun être, d'aucun objet extérieur. Il ne dépend que de nous.