Un sourire, c'est comme une rose qui s'ouvre dans la fraîcheur du matin. Elle offre ses pétales couverts de rosée aux premiers rayons du soleil. Tu sais que cet instant ne durera pas, et pourtant il te suffit d'une seule rose pour remplir ta journée de bonheur. Une seule rose pour savoir comme le monde peut être beau pour celui qui sait le voir.
Philippe se serre très fort dans les bras de son père. Maintenant il le sait. Ce sourire, il le gardera en lui, pour toujours. Il a suffi d'un dernier sourire de sa mère pour remplir sa vie de bonheur.
J'écris ce journal, en pensant à toi. Ses lignes sont comme un fil d'Ariane que je tends entre toi et moi pour ne pas perdre le chemin de nos vies. Ses mots sont comme les perles d'un collier que je voudrais t'offrir. Je les cherche, les assemble, les aligne en vérifiant leur forme et leur couleur. Il m'arrive de défaire quelques perles du collier que j'écris, car je n'en aime plus la forme. Je le reprends, et le recompose avec de nouvelles pierres aux reflets différents, jusqu'à ce qu'il prenne la forme et la couleur du sens.
« Soudain, sans doute averti par un pressentiment, je me retourne. Je suis saisi de terreur devant cette vague immense, Kantega est au fond du creux. La vague arrive à une vitesse qui me semble ne laisser aucune chance. Déjà un rouleau se forme tout près sur sa crête, prêt à déferler de toute sa puissance maléfique. Kantega est brutalement et irrésistiblement aspiré vers le haut de cette grande pente liquide qui se dresse sur tribord. Au sommet de la vague, le rouleau déferle sur la coque avec une violence inouïe. En une seconde, le bateau se couche, à plus de quatre vingt dix degrés. Je m’agrippe de toutes mes forces sur le winch de tribord, mais je suis projeté hors du bateau, complètement submergé par l’écume qui balaye Kantega. Retenu par mon harnais de sécurité, je me retrouve allongé au fond du cockpit, calé contre le coffre de bâbord. Je sens le bateau glisser latéralement à très grande vitesse, sur une bonne dizaine de mètres, emporté par la déferlante monstrueuse. Si le mât ne s’est pas planté dans l’eau verte, c’est uniquement parce que la pente de la vague était trop forte. » (Kantega, p. 75)