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4.31/5 (sur 8 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Cologne, Allemagne
Mort(e) à : Stanford , le 19/01/1985
Biographie :

Eric Voegelin est un philosophe américain d'origine autrichienne, spécialiste de philosophie politique.

Né d'un père allemand luthérien et d'une mère viennoise catholique, il est baptisé luthérien.

Il mène des études universitaires de droit et de sociologie à l'Université de Vienne (Autriche), y fait sa thèse sous la direction de Hans Kelsen et de Othmar Spann, puis enseigne le droit public et la sociologie dans cette même ville. Il participe un temps aux séminaires privés de Ludwig von Mises.

Ses premières publications, sur le rapport entre l'État et la politique raciale en Allemagne, lui valent des critiques de certains nationaux-socialistes (il est inquiété pour son livre Rasse und Staat, paru en 1933). Voegelin soutient alors le régime autoritaire et nationaliste du Front patriotique (Autriche). Après l'Anschluss, il se voit interdit d'enseignement par le nouveau pouvoir national-socialiste.

Il s'exile en 1938 aux États-Unis où il enseigne à différentes universités avant d'obtenir un poste à l'université d'État de Louisiane à Bâton-Rouge.

Après la Seconde Guerre mondiale, il est invité à restaurer le département de science politique de Munich. Il y prononce, en 1958, sa conférence « Science, Politique et Gnose » (Wissenschaft, Politik und Gnosis) dans laquelle il met en cause ce qu'il appelle les « idéologies », nommément les philosophies idéalistes de Hegel et de Marx, comme responsables des dérives politiques modernes.

Naturalisé américain en 1944, Voegelin retourne aux États-Unis en 1969, où il occupe un poste à la Hoover Institution de l'université Stanford pendant cinq ans.

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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Je l’ai fait précéder de la question de savoir si le penseur gnostique voulait vraiment être Dieu ou si l’assurance de sa volonté n’était pas elle aussi une duperie. Le « Chant nocturne » [de Nietzsche] semble admettre la duperie – le penseur ne veut pas être Dieu, il lui faut l’être pour des raisons rebelles à tout examen. Face à cette seconde assurance, dépassant la première, surgit la question : devons-nous l’accepter ? Devons-nous considérer comme achevé le jeu des duperies ? Je ne le crois pas. Poursuivons le jeu et demandons-nous si le « Chant nocturne » ne serait pas lui aussi un masque. Gardons en mémoire que Nietzsche avoue connaître son exclusion et en souffrir ; retournons son aveu contre lui et posons la question suivante : celui qui perçoit sa situation comme un désordre irrémédiable de l’âme doit-il vraiment faire de nécessité vertu en érigeant cette condition en une image rectrice humaine ? Ses manques justifient-ils qu’il se livre à des danses dionysiaques en portant des masques ? Demandons-nous, avec la brutalité à laquelle l’époque nous contraint, si nous ne voulons pas en être les victimes, s’il n’eût pas plutôt eu l’obligation de se taire ? Et si sa plainte était plus qu’un masque, si elle était sincère, s’il souffrait de son état, ne se tairait-il pas ? Or Nietzsche ne se tait pas du tout ; et son éloquence est la preuve contraignante que sa plainte se situait seulement dans le domaine de sa compréhension empathique mais que, se dressant contre Dieu, il ne la laissait pas toucher au cœur de son existence, la preuve qu’elle n’était pas sincère, qu’elle était un masque.
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[A propos de la Phénoménologie de Hegel]
cet opus magnum du meurtre de Dieu [...] s’achève avec une réflexion sur l’histoire comme la temporalité au sein de laquelle l’esprit parvient à la conscience de soi […].
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Délivrer l’homme du monde implique d’abord que la possibilité d’une délivrance soit inscrite dans l’ordre de l’être. L’ontologie de la gnose antique la garantit à travers la foi dans un dieu « étranger », « caché », qui vient en aide aux hommes, leur dépêche ses envoyés et leur indique la voie qui leur permet de quitter la prison instaurée par le dieu mauvais de ce monde (qu’il s’agisse de Zeus, de Yahvé ou d’un autre des anciens dieux-pères). Dans la gnose moderne, cette possibilité est gagée sur la conjecture qu’il existe un esprit absolu parvenant à lui-même en se dégageant de l’aliénation au terme d’un développement dialectique de la conscience, ou sur celle qu’un processus dialectique et matérialiste de la nature conduira, par-delà une aliénation incarnée par Dieu ou la propriété privée, à la liberté d’une existence pleinement humaine, voire sur l’hypothèse d’une volonté de la nature qui entraînera l’homme à se transformer lui-même vers le surhomme.
Au sein de cette possibilité ontique, c’est à l’homme gnostique lui-même qu’incombe la tâche d’œuvrer à sa délivrance. De par sa psyché il est partie prenante de l’ordre du monde, de son nomos (« loi ») ; ce qui, en lui, le pousse vers la délivrance, c’est le pneuma (« souffle »). […] L’instrument de la délivrance est la gnose elle-même.
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Joachim [de Flore] rompit avec la conception augustinienne d’une société chrétienne en appliquant le symbole de la Trinité au cours de l’histoire. D’après sa conception, l’histoire de l’humanité se décomposait en trois périodes, chacune d’elles correspondant aux trois personnes de la Trinité (…) ces trois âges se caractérisaient par un accroissement sensible de plénitude spirituelle (...) l’eschatologie trinitaire de Joachim créa l’ensemble des symboles qui préside à l’auto-interprétation de la société politique moderne jusqu’à nos jours.

Le premier de ces symboles est celui de l’histoire conçue comme une séquence de trois âges, le troisième représentant clairement le Troisième et dernier Règne. La périodisation humaniste et encyclopédiste de l’histoire en histoire antique, histoire médiévale et histoire moderne constitue une variation sur ce symbole ; il en va de même des théories de Turgot et Comte concernant une série de phases théologique, métaphysique et scientifique, ou de la dialectique hégélienne des trois étapes de la liberté et de l’accomplissement de l’Esprit dans son autoréfléxion, voire de la dialectique marxiste des trois étapes du communisme primitif, de la société de classe et du communisme final, et, enfin, du symbole du Troisième Reich du national-socialisme – encore qu’il s’agisse là d’un cas particulier qui mérite qu’on l’examine plus en détail.

Le second symbole est celui du chef : il exerça une influence immédiate dans les mouvements des spiritualistes franciscains (…) renforcé par les spéculations de Dante sur le Dux du nouvel âge spirituel (…) il constitue ensuite une composante du Principe de Machiavel et, à l’époque de la sécularisation, il apparaît sous la forme des surhommes chez Condorcet, Comte, et Marx
(…)
Le troisième symbole, parfois mêlé au second, est celui du prophète du nouvel âge (…) l’intellectuel gnostique devient-il une composante de la civilisation moderne. Joachim lui-même est le premier exemple de ce genre (…) le quatrième symbole est celui de la communauté des personnes autonomes sur le plan spirituel (…) pouvant se passer de toute autorité institutionnelle (…) sous sa forme séculière, elle est devenue une composante importante du crédo démocratique contemporain (…) l’idée russe de la Troisième Rome se caractérise par le même mélange d’une eschatologie du règne de l’Esprit et de son accomplissement dans une société politique, à l’œuvre dans l’idée national-socialiste du Troisième Reich. (pp. 164-168)
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On savait fort bien que, au cours du siècle des Lumières et au sein de l’Idéalisme, le courant gnostique s’était acquis une considérable importance dans le domaine social.
Le statut du savoir et de la compréhension qu’avait de soi la culture occidentale n’a été ébranlé, sur ce point comme sur bien d’autres, qu’à l’époque libérale, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, lorsque se sont développées les sciences positivistes de l’esprit et de la société. Cet ébranlement fut si profond qu’on ne fut plus capable de reconnaître la nature du courant gnostique quand il parvint à sa phase révolutionnaire. Les mouvements qui se rattachaient à Marx et Bakounine, le premier léninisme, le mythe sorélien de la violence, le courant du nouveau positivisme, les révolutions communiste, fasciste et national-socialiste ressortissent à une situation profonde de la science et du savoir qui, au regard actuel, est déjà révolue. L’Europe ne disposait pas d’instrument intellectuel pour saisir l’effroyable qui était en train de se produire. […] on disposait des linéaments d’une sociologie de la puissance et des formes de domination ; mais il n’existait aucune discipline scientifique traitant des courants d’idées et des mouvements de masse non chrétiens et non nationaux qui menaçaient d’une dissolution imminente l’Europe chrétienne constituée d’États nationaux. […] Il fut question de courants néopaïens, de nouveaux mythes sociopolitiques ou de mystiques politiques […].
La situation confuse du savoir, et par suite l’impossibilité de saisir correctement les événements politiques, a duré jusqu’à l’ère national-socialiste, c’est-à-dire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et, pour la majeure partie du public, cette situation insatisfaisante se prolonge aujourd’hui encore […].
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La mort de l’esprit est le prix du progrès. C’est Nietzsche qui a révélé ce mystère de l’apocalypse occidentale en annonçant que Dieu était mort et qu’Il avait été tué.

Ce meurtre gnostique est en permanence perpétré par les hommes qui sacrifient Dieu à la civilisation. Plus toutes les énergies humaines s’adonnent avec ferveur à la grande entreprise de salut en agissant de façon immanente dans le monde, plus les êtres humains qui s’engagent dans cette entreprise s’éloignent de la vie de l’esprit. Et puisque la vie de l’esprit est la source de l’ordre dans l’homme et la société, le succès même d’une civilisation gnostique est la cause de son déclin.

Une civilisation peut certes progresser et décliner simultanément, mais pas éternellement. Ce processus ambigu atteint nécessairement sa limite lorsqu’une secte activiste représentant la vérité gnostique organise la civilisation en un empire sous sa domination. Le totalitarisme, défini comme le gouvernement existentiel des activistes gnostiques, est la forme ultime d’une civilisation progressiste. (pp. 189-190)
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[…] voici un penseur [Marx] qui sait que sa construction s’effondrera dès que quelqu’un posera la première question philosophique. Le fait de savoir cela ne le pousse-t-il pas à renoncer à cette construction indéfendable ? En aucune manière. Cela ne le pousse qu’à interdire les questions. Or cet interdit nous pousse à nous demander si Marx était un charlatan.
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La perte de sens de l’existence due [au 7e siècle av. J.C.] à l’effondrement des institutions, des cultures et des liens nationaux a suscité, à titre de réponse, des tentatives de comprendre d’une manière neuve l’existence humaine, de retrouver un sens à l’existence dans les conditions données de la vie ici-bas. Parmi ces tentatives […] figurent : l’interprétation nouvelle de l’homme par les stoïciens, pour qui la polis était désormais dépourvue de sens, et qui faisaient de lui un polites (citoyen) du cosmos ; la vision polybienne d’une création fatale de l’œcoumène pragmatique par Rome ; les religions des mystères ; les cultes héliopolitiques des esclaves ; l’apocalyptique juive ; le christianisme et le manichéisme. C’est dans cette série de créations nouvelles de sens que prend place, comme l’une des plus grandioses, la gnose.
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Il s’agit, dans la gnose parousiste, de détruire l’ordre de l’être, ressenti comme imparfait et injuste, et de le remplacer, grâce à la puissance humaine de création, par un ordre parfait et juste.
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C’est à juste titre que les chrétiens étaient persécutés, car le christianisme contenait en germe une substance révolutionnaire qui le rendait incompatible avec le paganisme. La nouvelle alliance fut accusée d’augmenter l’incidence sociale de cette substance révolutionnaire. Ce qui rendait le christianisme si dangereux, c’était sa dé-divinisation, radicale et sans compromis, du monde.

C’est à Celse que revient la formulation peut-être la plus claire de la critique païenne la plus exhaustive du christianisme, dans son Alethês Logos, en 180 environ ap. J.-C. Les chrétiens, se plaignait-il, rejettent le polythéisme au motif qu’on ne saurait servir deux maîtres. C’était à, à ses yeux, tenir le « langage de la sédition (statis) ». Il reconnaissait la validité de cette règle entre les hommes mais, poursuivait-il, on ne retire rien à Dieu lorsqu’on sert sa divinité sous les différentes manifestations de son royaume. Bien au contraire, nous honorons le Tout-Puissant et nous lui agréons lorsque nous honorons beaucoup de ceux qui lui appartiennent, tandis que choisir de n’honorer qu’un seul Dieu introduit l’esprit de faction au royaume divin. Seuls les hommes se tenant à l’écard de la société humaine, et qui transfèrent ainsi leurs propres passions isolées sur Dieu, peuvent prendre ce parti. Ainsi les chrétiens sont-ils des factieux en matière de religion et de métaphysique, et leur rebellion est dirigée contre la divinie qui anime harmonieusement le monde entier jusque dans toutes ses ramifications. Et, étant donné que les différentes régions de la terre ont été attribuées dès le début à différents esprits dominants et à différents pouvoirs de contrôle, la sédition religieuse est simultanément une révolte politique : celui qui désire détruire le culte national veut également détruire les cultures nationales. Et, puisqu’elles ont toutes trouvé place dans l’Empire, lorsque les monothéistes radicaux s’attaquent aux cultes, ils s’attaquent en fait à l’édifice de l’imperium romanum. Non qu’il ne fût souhaitable, même d’après Celse, que les Asiatiques, les Européens et les Libyens, les Grecs et les barbares fussent unifiés sous une seule et même loi (nomos), mais, ajoute-t-il de façon méprisante, « quiconque croit que cela est possible, ne connaît rien à rien ».

La réponse d’Origène, dans son Contra Celsum, était au contraire que cela était non seulement possible, mais que cela ne manquerait pas de se produire. Celse, pourrait-on dire, perçut les conséquences du christianisme avec encore plus de clairvoyance que Cicéron les implications de la philosophie grecque. Il comprit le problème existentiel du polythéisme et il savait que la dé-divinisation chrétienne du monde signait la fin d’une ère de civilisation et transformerait de manière radicale les cultures éthniques de l’époque. (pp. 152-153)
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