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Citation de Coco574


ui provo­qua d’autres déportations, ainsi qu’une loi interdisant aux Abkhazes d’habiter sur le littoral ou dans les plus grandes villes d’Abkhazie. La loi fut en application jusqu’en 1907. Les ­Géorgiens, les Grecs et les Arméniens s’installèrent dans les villages abkhazes abandonnés. Au début des années 1930, le redouté Lavrenti Beria arriva au poste de ­dirigeant de la région du Sud-Caucase. Beria était mingrélien, une minorité géorgienne, et né en Abkhazie. Il favorisa l’ins­tal­la­tion d’encore plus de Géorgiens en Abkhazie. En 1939, la proportion d’Abkhazes était tombée à 18 % de la popula­tion totale, et elle resta stable jusqu’à la chute de l’Union soviétique. Près de la moitié des habitants, 45 %, étaient des ­Géorgiens.

Sous Gorbatchev, de profondes dissensions apparurent entre les Abkhazes et les Géorgiens. Tandis que ces ­derniers rêvaient d’indépendance, les Abkhazes voulaient conti­nuer à faire partie de l’Union soviétique, mais en tant que ­République soviétique et non assujettis à la Géorgie. Au prin­temps 1989, plusieurs milliers d’Abkhazes signèrent une déclaration exigeant la création d’une République socialiste soviétique abkhaze. Les Géorgiens se sentirent provoqués, et des milliers de manifestants défilèrent dans les rues de Tbilissi pour protester contre cette proposition. Les tensions montèrent, et le 9 avril, l’armée soviétique entra dans ­Tbilissi pour calmer les esprits. Vingt et une per­sonnes furent tuées, plusieurs centaines blessées. Neuf mois plus tard, les soldats soviétiques investirent Bakou et firent, là aussi, plus de mal que de bien.

En avril 1991, la Géorgie proclama son indépendance vis-à-vis de l’Union soviétique. Les Abkhazes, en revanche, ­voulaient conserver l’Union soviétique. En accordant aux Abkhazes une bonne part des sièges au Parlement abkhaze, au détriment des Arméniens et des Géorgiens, les poli­tiques de Tbilissi parvinrent à calmer le jeu un court ­instant. En février 1992, le Parlement géorgien décida pourtant de rétablir la constitution de 1921, dans laquelle les autonomies en Abkhazie, en Ossétie et en Adjarie ne sont pas évoquées du moindre mot. Les Abkhazes répondirent en ­juillet de la même année en rétablissant leur constitution de 1925, quand l’Abkhazie était encore reconnue comme république ­unionale. Autrement dit, le Parlement abkhaze avait déclaré l’indépendance vis-à-vis de la Géorgie. La réponse ne se fit pas attendre : le 14 août, des chars géorgiens entrèrent à Soukhoumi. L’armée géorgienne, en partie constituée de prisonniers récemment libérés, était indisciplinée, et les soldats massacrèrent, violèrent et pillèrent. Les ­Abkhazes de leur côté, reçurent le soutien de la Confédération des peuples du Caucase, qui rêvaient d’un Caucase libre, et béné­ficièrent petit à petit de livraisons d’armes de la ­Russie.

L’enjeu était gros pour la Géorgie. Deux cent cinquante mille ­Géorgiens ethniques vivaient en Abkhazie, et la région représentait environ la moitié du littoral national sur la mer Noire. Cette guerre dont les journaux occidentaux n’avaient pratiquement pas parlé avait été le cadre d’effrayants abus de part et d’autre et avait avancé par secousses, au rythme des fragiles accords d’armistice systématiquement ­violés. En septembre 1993, quand les forces abkhazes prirent le contrôle de Soukhoumi, les Géorgiens restants aban­don­nèrent précipitamment la ville pour échapper à cet état de non-droit.

« Nous avons quitté Soukhoumi sur un bateau de guerre ukrainien le 27 septembre, raconta le bloggeur ­Giorgi ­Jakhaia. Par la suite, nous avons appris que ­Soukhoumi était tombée. Le jour même. Tout le monde n’a pas eu notre chance, beau­coup ont dû fuir par la montagne. La neige était arrivée tôt cette année-là, et plusieurs centaines de fugitifs sont morts de froid dans le défilé. À Tbilissi, nous avons été ­hébergés dans un hôtel, l’Holiday Inn actuel. Presque tous les hôtels de Tbilissi ont été reconvertis en logements provisoires pour les réfugiés d’Abkhazie. Nous avons vécu dix ans dans cette ­chambre d’hôtel. »

Au moins 8 000 personnes perdirent la vie pendant cette guerre. Hormis quelques rares milliers de personnes qui vivaient dans la région de Gali, près de la frontière géor­gienne, tous les Géorgiens quittèrent l’Abkhazie. Par la suite, un peu moins de 50 000 Géorgiens de la région de Gali sont rentrés chez eux, tandis que 200 000 des réfugiés géorgiens vivent toujours hors d’Abkhazie. Bon nombre d’entre eux sont à ce jour parqués dans des centres provisoires pour ­réfugiés, en attendant que la vie reprenne.

« Je rêve de retourner un jour à Soukhoumi », confia ­Giorgi, qui poste souvent sur son blog des photos montrant à quoi l’Abkhazie ressemblait dans le temps. « C’est le plus bel endroit du globe. »
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